industrie mécanique suisse

Le risque de pénurie de bras inquiète l’industrie mécanique

Une récente enquête du Groupement suisse de l’industrie mécanique (GIM-CH) estime que la branche devrait former 10 000 nouveaux certifiés en cinq ans, or il n’y en aurait que 4000 selon les prévisions actuelles.


La dernière enquête réalisée sur la situation démographique en Suisse romande dans la branche des machines, de l’électrotechnique et de la métallurgie (MEM) met en évidence un risque préoccupant de pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Association faîtière en Suisse romande, le Groupement suisse de l’industrie mécanique (GIM-CH) constate que le secteur devrait former quelque 10 000 nouveaux collaborateurs ces cinq prochaines années pour au moins assurer la relève. Or durant cette même période, les prévisions indiquent que 4000 nouveaux certifiés seulement seront opérationnels en production. Au-delà de la nécessité d’améliorer l’image de professions souvent méconnues des jeunes, c’est la manière de définir le contenu des programmes de formation qu’il convient de redéfinir pour les adapter rapidement aux exigences de métiers en évolution constante.

En novembre prochain, lors du Salon de la formation qui se tient chaque année à Beaulieu et qui attire des dizaines de milliers de jeunes à l’aube de leur orientation professionnelle, les métiers de l’industrie romande organiseront à nouveau un « Industry Skills ». Il s’agit d’un concours où pourra faire briller ses compétences tout apprenti de 3e ou de 4e année de CFC dans l’un des nombreux métiers de ce secteur. Futurs automaticiens/nes, constructeurs/trices d’appareils industriels, dessinateurs/trices-constructeurs/trices industriels, électroniciens/nes, micromécaniciens/nes ou télémécaniciens/nes ne manqueront ainsi pas de communiquer leur enthousiasme pour des professions qui en ont bien besoin.

La branche des machines, de l’électrotechnique et de la métallurgie helvétique risque en effet de manquer de bras et de têtes bien faites pour compenser le départ massif à la retraite des générations nées dans l’après-guerre. Même si les actions entreprises par l’association portent leurs fruits, sur les quelque 10000 nouveaux professionnels nécessaires dans les cinq prochaines années pour assurer ne serait-ce que la relève en Suisse romande, l’enquête interne dont les résultats ont été communiqués en ce début d’année laisse redouter qu’on en trouvera moins de la moitié. À cela s’ajoute le fait que nombre de jeunes formés se tournent ensuite vers une école d’ingénieurs, et que d’autres quittent tout simplement la branche après quelques années.

industry skills
Le concours « Industry Skills » organisé dans le cadre du Salon de la formation à Beaulieu est une occasion pour les futurs automaticiens/nes, constructeurs/trices d’appareils industriels, dessinateurs/trices-constructeurs/trices industriels, électroniciens/nes, micromécaniciens/nes ou télémécaniciens/nes de communiquer leur enthousiasme pour des professions qui en ont bien besoin.

Deux causes majeures

Ce phénomène s’explique par le désintérêt de nombreux jeunes gens pour un monde de l’industrie qu’ils connaissent mal. Mais aussi, d’une manière générale, parce que la formation professionnelle par la voie de l’apprentissage est dans nos régions, à la différence de la Suisse alémanique, peu valorisée au prétexte qu’elle serait destinée aux jeunes qui ne sont pas assez bons à l’école pour poursuivre des études. C’est oublier que dans le monde du travail, les jeunes qui ont obtenu un CFC sont généralement très bien considérés, notamment car ils ont fait la preuve de leur intégration dans la vie active avec les contraintes que cela implique. De plus, contrairement à certaines idées très répandues, les personnes au bénéfice d’un CFC dans les branches de l’industrie gagnent très correctement leur vie.

Les jeunes qui ont l’occasion de découvrir le monde de l’industrie oublient rapidement l’idée préconçue qu’ils en avaient. « Ceux qui ne connaissent pas l’imaginent comme il pouvait être au  milieu du siècle passé, sourit Antonio Rubino, secrétaire général du GIM-CH. Certains pensent encore avoir affaire à une usine avec de l’huile qui gicle et des murs noircis. Or aujourd’hui, cette époque est bel et bien révolue. Les unités de productions sont des lieux très propres, avec surtout des machines à commande numérique. »

Soulignons aussi que le GIM-CH est bien davantage qu’une association défendant la place économique de l’industrie. Il est concrètement engagé dans la formation professionnelle. Son centre de formation, désormais situé à Mex, sur le campus de Bobst, dispense depuis 1989 des cours pratiques inter-entreprises à quelque 400 apprentis, dont 90 % proviennent du canton de Vaud en raison de la cantonalisation des législations en la matière.

Industrie mécanique - Suisse
Industrie mécanique – Suisse

Repenser la formation

Au-delà du risque de manque de professionnels se profile un autre péril : celui de se faire distancer en matière de formation, donc de compétences, par l’évolution constante de la technologie et des processus dans les branches industrielles. La balle est ici dans le camp de la Confédération. C’est au niveau fédéral en effet que sont élaborés les plans de formation. Or ces plans sont révisés sur une base quinquennale. L’entrée en force de la prochaine mouture est prévue pour l’année 2023. « Il faut absolument revoir ce système, s’inquiète le GIM-CH. Il n’est plus adapté aux exigences des entreprises. Sachant que l’apprentissage s’accomplit en quatre ans, les premiers apprentis qui sortiront de la nouvelle filière obtiendront au mieux leur CFC en 2027. Nous pensons qu’il faut se défaire de cette idée de plan quinquennal, car il est beaucoup trop rigide. À l’avenir, les jeunes devraient pouvoir bénéficier plutôt de modules de formation pouvant être revus de manière plus flexible. Cela permettrait d’éviter la tentation de densifier encore davantage la formation au CFC. Depuis une trentaine d’années, les notions à assimiler ont déjà quasiment doublé. Quant à l’idée d’allonger la durée de l’apprentissage, cela aurait pour effet de rendre encore moins attractifs ces métiers. »

Une chose est sûre : les professionnels formés et certifiés seront les plus aptes à tirer leur épingle du jeu. Car le troisième risque encouru dans les métiers de l’industrie est « l’ubérisation ». Entendez par là qu’à l’heure de la robotisation et des automatismes, les premiers travailleurs à en pâtir seront hélas ceux assurant la maind’œuvre basique. Les employés les mieux formés, dans leur métier et de manière continue par la suite, s’en sortiront le mieux.


Un poids lourd de l’économie

L’industrie des machines, de l’électrotechnique et de la métallurgie (MEM) est un poids lourd de l’économie suisse. Forte d’environ 320000 collaborateurs, elle porte le pays à la 13e place du rang mondial des plus grands fabricants de machines, quand bien même la Suisse a ici perdu trois places en dix ans.

Sur le plan romand, parmi les plus de 2700 établissements recensés, 75 % comptent moins de dix employés pour seulement 5700 collaborateurs, soit 13 % des effectifs de la branche. Entre 2011 et 2015, dans les six cantons romands, les entreprises du secteur ont perdu 1867 emplois, passant de 46320 à 44453.

Le nombre de collaborateurs n’est pas le seul indice de l’état de santé de la branche. Celle-ci a vécu des années difficiles entre 2015 et 2017 en raison de la crise du franc fort qui a d’un coup renchérit de 18 à 20 % ses produits. Il en a résulté une diminution des marges, avec pour conséquence un ralentissement des investissements et une délocalisation partielle de la production pour une entreprise sur cinq.