Holy Cow! Le groupe lausannois à la conquête de la Suisse

Holy Cow ! Gourmet Burger Company SA connaît un développement fulgurant. En moins de dix ans d’existence, cette société lausannoise indépendante a implanté ses restaurants dans de nombreuses villes de Suisse.


Depuis son enseigne de hamburgers haut de gamme jusqu’à celle de cuisine végétarienne, en passant par celle de spécialités mexicaines, sa réussite dans la restauration rapide est presque insolente dans un secteur économique réputé difficile et encombré. Anne Frei, membre du conseil d’administration de cette entreprise indépendante qui met la Suisse en appétit, était l’oratrice invitée du lunch-débat de printemps organisé par Economie Région Lausanne. Pas de miracle à ses yeux, car les clés d’un tel succès reposent sur un concept clair et une stratégie consistant à éviter la concurrence frontale avec l’offre existante, à se diversifier judicieusement et à se démarquer en innovant.

L’enseigne lausannoise Holy Cow! part à la conquête de la Suisse.

Holy Cow ! est une success story comme on les aime, surtout lorsqu’elles se passent à Lausanne. L’histoire commence en 2009 au centre-ville de Lausanne, dans une échoppe rue Marterey. Créé par un duo de copains, ce premier restaurant propose des hamburgers haut de gamme et à un prix raisonnable. Leur concept connaît une popularité fulgurante, quasiment sans faire de pub. Quatre ou cinq autres restaurants voient le jour, puis les fondateurs passent la main. L’affaire est gérée depuis 2014 par un groupe indépendant qui va en faire une véritable chaîne de restauration rapide à travers la Suisse. Holy Cow ! est aujourd’hui une communauté comptant plus de 300 employés représentant une vingtaine de nationalités.

Anne Frei siège depuis 2015 au conseil d’administration de la société. Elle ne peut mieux décrire sa satisfaction : « À l’heure où la grande distribution est trustée en Suisse par Coop et Migros, que beaucoup de kiosques de quartier rejoignent le giron d’un groupe bâlois, que les grands journaux sont en main d’éditeurs alémaniques, c’est une fierté d’avoir une marque née à Lausanne, partie d’ici et qui a passé ce qu’on appelle le rideau de Rösti. »

Toute la Suisse apprécie donc Holy Cow !, avec quelques subtilités amusantes relevant de goûts culinaires variant selon les régions. « Ainsi en est-il de notre marque de thé froid maison, sourit-elle. En Suisse alémanique, c’est environ 70 % pêche et 30 % citron, en Suisse romande c’est l’inverse. » Mais trêve de balivernes.

Holy Cow! prépare des Burgers Gourmet qui se démarquent de la concurrence

Le public cible de Holy Cow !, ce sont essentiellement les jeunes professionnels qui travaillent en ville et n’ont pas le temps de prendre un vrai repas. La marque se positionne ainsi différemment que les acteurs historiques du hamburger. Par la nature et la diversité de son offre ainsi que son type d’approvisionnement. Le surgelé est exclu, la viande suisse de première qualité est livrée chaque matin. Le challenge consiste à être au-dessus des autres, mais à offrir un rapport qualité-prix intéressant. Le groupe exploite actuellement trois marques : Holy Cow ! pour le hamburger, Burrito Brothers et sa cuisine californienne-mexicaine, et depuis peu Bad Hunter en cuisine végétarienne. Plusieurs dizaines de restaurants en Suisse servent ainsi environ 10’000 repas par jour. L’entreprise s’appuie sur des principes clés.

« En premier lieu, c’est l’innovation, explique Anne Frei. Quand on dit innovation, on pense toujours high-tech, mais dans le hamburger aussi on peut innover, par exemple en changeant les standards. Vient ensuite la provenance des produits, avec par exemple dans chaque canton où nous sommes présents au moins un produit de proximité. »

Burrito Brothers, inspiré de la cuisine mexicaine, est une marque née en 2016 avec un premier restaurant, au Grand-Pont à Lausanne. Puis la même année a été créé Bad Hunter, restaurant de cuisine végétarienne, installé au Flon, dans le bâtiment jadis occupé par l’Atelier Volant. Aux antipodes, si l’on peut dire, du hamburger de viande de boeuf. « Durant les premiers mois, nous avions une clientèle exclusivement féminine à Bad Hunter, se souvient Anne Frei. Peut-être parce que les femmes font plus attention à ce qu’elles mangent… Et puis cela a changé. Depuis un an, nous avons aussi des groupes de garçons. Nous pensons qu’il s’agit d’une tendance, observée d’ailleurs dans d’autres pays, et non seulement d’une mode. » Et de rappeler que la diminution de consommation de viande est un fait. Bad Hunter semble donc ne pas avoir de souci à se faire, ne pas trop craindre l’ouverture annoncée de la chaîne zurichoise végétarienne Tibits en lieu et place du Buffet de la gare de Lausanne.

Holy Cow! compte plus de 20 nationalités parmi ses rangs

Des défis et des leçons

« Gérer une croissance pareille pose un grand nombre de défis, souligne Anne Frei. Avec quelques leçons à la clé. La première leçon est de veiller à la cohérence des marques. Nous avons commis quelques erreurs. Nous avions créé Funky Chicken, spin-off de Holy Cow !, en pensant aux gens qui mangent moins de boeuf. Nous avons arrêté au bout de quelques mois, car nous n’étions pas assez distinctifs par rapport à la concurrence. Notre intrusion dans la cuisine asiatique, avec Wawa’s Asian Kitchen, a subi le même sort. Elle n’avait pas trouvé son public, car pas suffisamment différenciée dans son domaine. » À noter que si cette dernière enseigne est toujours là, elle ne fait plus partie du groupe.
En 2017, c’est une autre leçon, celle-là aux conséquences heureuses pour la société. « En 2014, nous avions pour stratégie d’ouvrir nos restaurants au centre des villes d’une certaine importance, dans des zones piétonnes avec un flux de passage important, avec pour clientèle des personnes entre 20 et 30 ans, raconte Anne Frei. Or, on nous a proposé une implantation dans la zone industrielle près de Villeneuve. Au début, j’étais contre, car pour moi c’était un autre métier. Finalement, nous avons fait un vrai carton ici. Nous sommes à côté de McDonald’s qui avait dû sentir le danger puisqu’il avait fait opposition à notre venue. De cela, je retiens qu’il faut toujours garder ses antennes déployées pour des choses nouvelles. » C’est ainsi notamment que le groupe va revoir une stratégie qui excluait les restaurants en franchise. Il s’y refusait afin d’éviter tout risque pour sa marque, sachant les exigences de qualité et de contrôle qu’implique l’utilisation de la viande de boeuf. Or son test d’une franchise dans le hall de départ de l’aéroport de Zurich laisse envisager une piste prometteuse.
Aujourd’hui, le groupe exploite plusieurs structures de restaurants, dont des surfaces importantes regroupant différentes marques, sur le modèle d’un food court, avec ses cuisines ouvertes, notamment sur le campus de l’EPFL.

Holy Cow ! ne compte pas en rester là. Mais si tout indique que l’entreprise a un fort potentiel de croissance, celle-ci est soumise à la difficulté de trouver de bons emplacements (« À 10 mètres près, on peut faire un carton ou un bide », observe Anne Frei). Une chose est sûre : « Si nous sommes arrivés à construire un concept comme le nôtre qui fonctionne en Suisse, avec toutes les contraintes et les coûts que cela suppose, alors on peut se dire qu’il ne peut que fonctionner aussi ailleurs dans le monde. »


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