Taxis et VTC bientôt tous à égalité … ou presque

Le Canton va reprendre la main en promulguant des modifications de loi destinées à mettre en saine concurrence et non plus à laisser nez à nez sur l’ensemble du territoire vaudois tous les chauffeurs de voitures destinées au transport de personnes, taxis traditionnels comme véhicules avec chauffeur (VTC).


Le Canton va reprendre la main en promulguant des modifications de loi destinées à mettre en saine concurrence et non plus à laisser nez à nez sur l’ensemble du territoire vaudois tous les chauffeurs de voitures destinées au transport de personnes, taxis traditionnels comme véhicules avec chauffeur (VTC). Les Communes conserveront cependant la compétence, en fonction de leurs besoins et moyennant la perception d’une taxe, d’attribuer l’utilisation du domaine public tel que les voies de bus et les places de stationnement réservées. Parfois qualifié de « Lex Uber » en raison de sa motivation originelle, ce projet de remaniement de la Loi cantonale sur l’exercice des activités économiques (LEAE) est censé clarifier une situation devenue chaotique dans un secteur du transport de personnes soumis à une forte pression notamment avec l’arrivée de Uber et de l’économie dite « de partage » tirant parti des dernières technologies en matière d’information et de communication pour mettre en relation directes le prestataire et l’utilisateur.

Le romantisme chanté par Vanessa Paradis dans « Joe le taxi », c’est du passé. Les candidats chauffeurs qui devaient plancher pendant des mois pour parvenir à réciter devant un examinateur n’importe quel itinéraire truffé de pièges, c’est quasi fini aussi. À l’heure de la navigation par GPS, on a cru que n’importe quel automobiliste connecté par smartphone pouvait s’improviser taxi et rivaliser à prix cassé avec le modèle traditionnel. Ça aussi, c’est révolu. Le vent de folie qui a soufflé depuis 2015 avec la flambée Uber Pop, le système permettant à un particulier inscrit sur la plateforme de la société californienne d’arrondir ses fins de mois, est retombé. Reste Uber X, pratiqué par des chauffeurs censés détenir un permis professionnel.

Uber a défrayé la chronique, dans le canton et un peu partout dans le monde, mais cette organisation n’est pas la seule à vouloir prendre, d’une manière ou d’une autre, sa part de gâteau en jouant l’argument du prix. Il en viendra d’autres. Les Communes seront bientôt déchargées de la rude tâche de séparer le bon grain de l’ivraie à la lumière de règlements communaux ou intercommunaux replâtrés – on en compte non moins de douze dans le canton– dont certains d’un autre âge.

Afin d’éviter la multiplication d’actions en justice de part et d’autre, le Canton a empoigné le problème. Il propose de clarifier sinon de résoudre la question par des modifications de sa Loi sur l’exercice des activités économiques (LEAE) et un petit ajout qui en découle à la Loi vaudoise sur la circulation routière (LVCR). Cela afin de tenter d’instaurer une concurrence la plus loyale possible dans le respect à la fois de la liberté économique, des dispositions régies par le droit fédéral et dans une certaine mesure de l’autonomie des communes. Cela devrait aboutir à l’exclusion définitive de l’amateurisme dans ce secteur important de l’économie, du tourisme et de l’image de la région en général. Seuls les professionnels dûment certifiés seront désormais agréés.

PERMIS PRO SINON RIEN

La législation fédérale répond à la question centrale de la définition du transport professionnel de personnes. Selon l’article 3 de l’Ordonnance fédérale sur la durée du travail et du repos des conducteurs professionnels de véhicules légers affectés au transport de personnes et de voitures de tourisme lourdes, « sont réputées professionnelles les courses qui sont effectuées régulièrement par un conducteur ou avec un véhicule, dans le but de réaliser un profit économique. Les courses sont régulières si elles sont effectuées au moins deux fois dans des intervalles de moins de seize jours. Le profit économique est réputé réalisé lorsque le prix requis pour la course dépasse les coûts du véhicule et l’indemnisation des dépenses du conducteur ».

N’entre pas dans cette définition le covoiturage. Cette pratique est considérée comme le partage d’un véhicule dont la destination est déterminée par le conducteur. N’entre pas non plus en ligne de compte le fait par exemple de regrouper régulièrement quelques enfants de son quartier dans son véhicule pour les conduire à l’école moyennant indemnisation convenue ou à bien plaire. Hormis ce genre d’exceptions, les automobilistes intéressés dont l’activité répond aux critères exposés ci-dessus devront être détenteurs, en plus du permis B, d’un permis complémentaire B121 pour le transport professionnel de personnes. Ce document s’obtient après un examen théorique et pratique supplémentaire, la production d’un extrait de casier judiciaire et un examen médical. Uber a déclaré vouloir aider ses chauffeurs à s’y atteler.

Décrocher un permis B121 ne suffira toutefois pas pour se lancer. Le transport professionnel de personnes fait partie des activités économiques soumises à autorisation. Au terme de la consultation de l’avant-projet de loi, la majorité des milieux intéressés a considéré qu’il revenait au Canton, et non aux Communes, d’attribuer de telles autorisations.

Pour y prétendre, le requérant devra fournir au Département de l’économie toutes les pièces tendant à démontrer qu’il s’acquitte correctement de ses obligations en matière d’assurances sociales. Pour des raisons de protection des données, il est jugé préférable que ce soit lui qui fournisse les informations relatives à son assujettissement à l’AVS plutôt que le devoir de l’autorité de se renseigner. Le requérant doit par ailleurs amener les preuves qu’une assurance responsabilité civile pour le transport de personnes à titre professionnel a bien été conclue et qu’il n’a pas commis d’infraction à la Loi sur la circulation routière. Les autorisations délivrées seront valables sur l’ensemble du territoire cantonal. Une autre autorisation devra par ailleurs être demandée en qualité d’entreprise.

LES COMMUNES RÈGLENT LE JEU

Toutefois, un permis B121 ainsi qu’une autorisation cantonale ne permettront pas de bénéficier de tous les avantages dont disposent actuellement les taxis A notamment dans la région lausannoise où ils sont particulièrement utiles. Les Communes demeureront en effet compétentes pour délivrer les autorisations d’utilisation dite accrue du domaine public, c’est-à-dire la permission de rouler sur les voies réservées aux transports publics et de stationner sur les emplacements réservés aux taxis. Il faudra pour y accéder déposer une demande à la Commune et s’acquitter d’une taxe, au risque de se retrouver dans la situation des actuels taxis B.

Les prescriptions d’application du Règlement intercommunal de la région lausannoise sur le service des taxis stipulent, dans leur mise à jour de juillet 2018, que le requérant doit subir un examen portant notamment sur ses connaissances topographiques. Si les exigences sont quelque peu allégées à l’ère du GPS, elles portent néanmoins sur des éléments jugés essentiels pour un taxi efficace, à savoir « la connaissance des rues principales, les hameaux et lieux-dits des communes de l’arrondissement, le lieu de situation des hôtels, restaurants principaux, consulats, administrations principales, bureaux de poste et de police, hôpitaux, cliniques, banques, églises, écoles et instituts les plus importants, agences de voyages et bureaux de tourisme, salles de spectacles, cinémas et musées des localités de l’arrondissement ». Le candidat doit en outre démontrer pouvoir « trouver aisément, au moyen de la documentation dont il dispose, les autres rues et lieux-dits de l’arrondissement et des communes avoisinantes ».

De fait, les demandes ne devraient pouvoir aboutir que si le règlement communal ou intercommunal stipule qu’elles doivent participer de la complémentarité avec le service public, que le candidat adhère au service de piquet mis en place par la commune ou qu’il s’affilie à des diffuseurs de courses, voire à un seul. Dans quelle mesure cette limitation est-elle compatible avec la liberté économique ? La Comco a considéré que cela était admissible à condition de répondre à un intérêt public prépondérant.

L’association intercommunale lausannoise non seulement délivre au compte-gouttes de telles autorisations, mais elle tend à en limiter le nombre en ne réattribuant pas celles des partants. Il est ainsi prévu de ramener le nombre de concessions, actuellement fluctuant entre 230 et 280, entre 180 et 240 afin de permettre aux chauffeurs restants de gagner un peu mieux leur vie. La statistique des appels reçus dans les centrales révèle en effet une baisse de 30 %.

Concrètement, la future loi fait table rase de l’appellation de taxis A ou B. Elle ne permet plus aux communes que de distinguer les taxis disposant de toutes les facilités en ville et des VTC théoriquement en mesure d’y accéder. Il s’agira de pouvoir identifier ces derniers, par exemple par un signe distinctif sur le véhicule, afin qu’un policier remarquant une voiture chargeant des passagers puisse en cas de suspicion vérifier si le conducteur est bien autorisé à le faire.

DIFFUSEURS DE COURSES SOUS CONTRÔLE

La future loi englobe aussi les diffuseurs de courses, définis comme étant « toute personne physique ou morale qui sert d’intermédiaire entre un chauffeur et un client. Le moyen par lequel les deux parties sont mises en contact (transmission téléphonique, informatique ou autre) importe peu ». Uber en fait partie, mais probablement également des organisations comme Blablacar avec son site de partage de véhicules avec prélèvement de frais de réservation.

Les diffuseurs devront eux aussi requérir une autorisation délivrée par le Canton pour exercer leur activité. Seules des entreprises ayant leur siège en Suisse pourront y prétendre. Cela pour la simple et bonne raison qu’elles seront considérées comme responsables de l’aptitude de leurs chauffeurs à exercer leur activité conformément aux exigences légales, tant en ce qui concerne les autorisations requises, la conformité des véhicules que le respect de la Loi sur le travail, et qu’un siège sur le territoire national est dès lors considéré comme indispensable pour dénoncer et poursuivre facilement les éventuelles infractions, lesquelles seront passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 20 000 francs et 50 000 francs en cas de récidive.

Reste à savoir dans quelle mesure cette volonté de régularisation qui va mettre en concurrence taxis actuels et VTC sur l’ensemble du canton contribuera effectivement à pacifier ce secteur où les sensibilités sont à fleur de peau ou à en accélérer le démantèlement. L’avenir dira dans quelle mesure ce secteur économique pas comme les autres pourra se réguler par lui-même.

 

TROIS AXES FONDAMENTAUX

La loi cantonale réglera :

  1. Les conditions d’accès à l’activité professionnelle en veillant à la sécurité publique et à la protection des consommateurs.
  2. L’autonomie communale s’agissant de l’utilisation du domaine public par les taxis.
  3. L’intégration des nouvelles dispositions dans la LEAE pour permettre de sanctionner les contrevenants de manière plus dissuasive que les divers règlements communaux, à savoir par un retrait possible de l’autorisation et une amende maximale de 20 000 francs pouvant aller jusqu’à 50 000 francs en cas de récidive.