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ATTACHÉ-CASE OU SAC À DOS, LAUSANNE BAT TOUS SES RECORDS

Le nombre de nuitées de touristes comptabilisées par Lausanne Tourisme a battu un nouveau record absolu en 2018 avec 1 258 932 unités. C’est 31 132 ou 2,5 % de plus que l’année précédente. Dépassé pour la première fois en 2017, le millésime exceptionnel et historique d’Expo 64 est désormais devancé de 42 576 nuitées.


Le nombre de nuitées de touristes comptabilisées par Lausanne Tourisme a battu un nouveau record absolu en 2018 avec 1 258 932 unités. C’est 31 132 ou 2,5 % de plus que l’année précédente. Dépassé pour la première fois en 2017, le millésime exceptionnel et historique d’Expo 64 est désormais devancé de 42 576 nuitées. Ce marché dont rien ne semble freiner la progression au fil des ans s’explique essentiellement par le poids du tourisme dit d’affaires. Le tourisme dit de loisirs jouit quant à lui d’une offre de plus en plus étoffée. Au-delà de ce constat réjouissant se profilent néanmoins quelques ombres qui pourraient devenir préoccupantes. Les hôteliers sont soumis à une pression croissante sur les marges, donc sur leur capacité à innover. Ils sont cernés d’un côté par la parahôtellerie déclarée ou non, de l’autre par l’arrivée de nouvelles enseignes aux dents longues. Une autre question récurrente embêtante consiste à trouver des réponses pour mieux donner aux visiteurs l’envie de se balader en ville.

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La destination lausannoise se porte bien, et même de mieux en mieux année après année. Le nombre des nuitées comptabilisées par Lausanne Tourisme en est l’indicateur le plus concret. Il a progressé de 2,5 % en 2018. Plus encore : les 1 258 932 unités enregistrées, nouveau record absolu, ne reflètent que les nuitées dûment déclarées, la para-hôtellerie clandestine échappant évidemment à la statistique.

POUR TRAVAILLER …

Le tourisme en attaché-case se taille toujours la part du lion. Aucun élément statistique ne permet de le dissocier formellement du tourisme en sac à dos, qu’il peut recouvrir en partie, mais on estime qu’il génère environ de 60 à 70 % des nuitées. Les atouts de la région lausannoise jouent ici en plein, ainsi que le rappelle Steeve Pasche, directeur de Lausanne Tourisme : « On peut associer ce succès du tourisme d’affaires à la qualité du tissu économique gobal de la région lausannoise et à son dynamisme dans plusieurs domaines, comme le sport, les hautes écoles, la santé, les multinationales. Notre force réside aussi dans notre géolocalisation, étant bien placés en termes d’accessibilité pour des sociétés suisses voulant organiser des meetings en Suisse romande. » Cette catégorie de visiteurs venus pour des raisons professionnelles est d’autant plus appréciable qu’une étude avait estimé qu’en moyenne chaque congressiste qui vient à Lausanne ce sont entre 300 et 500 francs qui sont injectés dans l’économie locale entre le prix de la chambre d’hôtel, le restaurant et autres dépenses. Le tourisme d’affaires n’en est pas moins dépendant de l’économie, ainsi qu’on a pu le constater sur la Riviera, qui aurait perdu, selon Hôtellerie Romande, 3 % de ses nuitées à la suite des plans d’économie de Nestlé qui invite moins ses cadres à son siège social.

… OU POUR LE PLAISIR

Pour autant, le tourisme de loisirs n’est pas en reste. Il a lui aussi progressé l’an passé. Et plutôt bien. On le sait de manière claire par l’augmentation du nombre de nuitées enregistrées durant les mois de juillet et août, période de l’année où le tourisme d’affaires marque le pas. Il y en a eu 5,4 % de plus en août. Cela s’explique notamment par les efforts de promotion déployés, mais aussi par un taux de change assez favorable par rapport à certains marchés, et bien sûr par une météo particulièrement clémente qui a incité les gens à se déplacer. Steeve Pasche : « Hormis la météo, aucun événement majeur qui serait venu déséquilibré la tendance en donnant une apparence trompeuse n’est la cause de ce succès, ce qui est plutôt encourageant. » D’une façon générale, cette évolution positive découle aussi de l’attractivité croissante d’une région offrant à ses visiteurs de plus en plus de découvertes. Elle s’inscrit dans un renouveau probablement déclenché il y a cinq ans avec la réouverture d’un Musée Olympique transfiguré, puis par l’avènement en 2017 du centre Aquatis, et se poursuivra dès cet automne avec Plateforme 10 qui ouvrira ses portes au public. Autant d’offres nouvelles qui participent à l’accroissement de la visibilité de la destination lausannoise.

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LES HABITUDES CHANGENT

L’époque est révolue où les visiteurs, pour des raisons professionnelles ou pour des vacances, passaient plusieurs jours à Lausanne. La durée moyenne de séjour est désormais clairement inférieure à deux nuitées. Ce raccourcissement des séjours mis en relation avec le nombre des nuitées révèle cependant une affluence grandissante en termes de nombre de visiteurs. Cela s’inscrit dans un changement durable des habitudes. On observe ainsi que de nombreuses personnes ne partent plus forcément trois semaines en vacances, mais prennent par exemple une semaine et ensuite s’offrent des week-ends. Il s’agit souvent de gens qui ne veulent pas forcément visiter une mégapole, mais des villes plus petites, et Lausanne est tout à fait dans la cible en développant ce type de promotion. C’est en Suisse que Lausanne Tourisme se taille la plus grande part de son marché, avec plus de 40 % des nuitées. Puis viennent les pays limitrophes. Ailleurs, le plus grand potentiel de développement semble être le marché chinois.

Les hôtes l’Empire du Milieu ont certes été un peu moins nombreux en 2018 que l’année précédente, mais celle-ci avait vu la visite du président Xi Jinping à Lausanne, ce qui avait quelque peu bousculé la statistique. L’Office du Tourisme du Canton de Vaud a conclu ce printemps un accord de coopération avec le tour-opérateur chinois Bamboo Garden Travel, qui veut faire venir 3000 Chinois entre la Riviera et les Alpes vaudoises cette année, et davantage encore dans les années à venir. Cela va dans le sens du développement du tourisme individuel chez les Chinois au lieu du tourisme de groupe. « Nous devons jouer notre carte sur ce marché-là, souligne Steeve Pasche. Nous devons essayer de nous positionner dès maintenant en tant que Capitale Olympique notamment parce que Pékin organisera les JO en 2022. »

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OÙ SONT LES TOURISTES

Force est d’admettre que l’affluence révélée par la statistique peine à se concrétiser dans les rues et les commerces de la capitale vaudoise. Il reste beaucoup à faire notamment si l’on met l’accent sur les séjours de week-end, la ville étant particulièrement déserte ces jours-là. C’est l’un des éléments relevés parmi les remarques des touristes postées sur le site de l’association. « Pour positiver, disons que Lausanne est calme le week-end, ce qui ne nous plaît pas trop, soupire Steeve Pasche. Nous nous réjouissons quand même du développement des terrasses des établissements publics. »

Quoi qu’on dise ou qu’on fasse, le quartier d’Ouchy reste sans égal. Mais on peut mieux faire. « Le lac n’a pas été suffisamment exploité dans notre offre touristique, observe le directeur de Lausanne Tourisme.
Nous devons davantage le valoriser, comme le font d’autres destinations européennes. Avec le développement des plages, nous allons dans la bonne direction. La nouvelle plage de la Jetée de la Compagnie, puis la zone de baignade annoncée dans le vieux port d’Ouchy seront des atouts supplémentaires sans doute très appréciés des touristes qui passent deux jours à Lausanne et qui découvrent en se baladant au bord du lac qu’on peut s’y baigner. »

LE CASSE-TÊTE DE LA PARAHÔTELERIE

Lausanne Tourisme constate que la para-hôtellerie stagne, et même qu’elle a régressé en 2018. Du moins s’agit-il de celle qui est déclarée, dont les loueurs sont en règle avec la taxe de séjour et le fisc. « Nous essayons d’encourager tous les Airbnb à payer cette taxe de séjour car leurs hôtes peuvent ainsi bénéficier de transports publics gratuits et de prix avantageux de la part d’une vingtaine de partenaires. » Mais faute d’un système de contrôle vraiment efficace cela ne fonctionne guère. La para-hôtellerie est indispensable non pas pour concurrencer les hôtels, mais pour permettre une diversification de l’offre touristique, notamment à l’intention des familles. Les structures d’hébergement sont en effet plutôt adaptées au tourisme d’affaires, et pas trop pour les familles avec enfants. Celles-ci ont tendance, tant pour des raisons économiques que pratiques, à préférer des appartements plutôt que louer deux chambres. Il demeure qu’Hôtellerie Romande a poussé un coup de gueule en décembre dernier contre la concurrence « extrêmement déloyale » des chambres d’hôte notamment proposées sur la plateforme Airbnb. « Le nombre de lits ainsi mis sur le marché représente quasiment un tiers de la capacité des hôtels vaudois », avait lancé Philippe Thuner, président de l’association. Et d’affirmer par exemple qu’à Lausanne, une dame loue 140 chambres à travers la ville.

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HÔTELIERS MI-FIGUE MI-RAISIN

Président de Hôtellerie lausannoise et directeur de l’Hôtel de la Paix, Stefano Brunetti tempère l’enthousiasme résultant de l’exercice 2018 en termes d’hébergement : « Ce sont davantage les résidences secondaires et la para-hôtellerie qui ont progressé, explique-t-il. Si on considère les chiffres communiqués par rapport au nombre d’hôtels, il y en a peu qui ont augmenté leur nombre de nuitées l’an passé. »

Pas un an ou presque sans l’arrivée d’un nouvel hôtel à Lausanne. Après l’Hôtel des Patients en 2016, Aquatis l’année suivante, ce sera fin 2019 l’inauguration d’un hôtel Moxy du groupe Marriott au Flon. Stefano Brunetti salue l’arrivée de ce futur établissement destiné à répondre à la demande en matière de tourisme de loisirs. Il observe cependant qu’avec ces nouveaux acteurs, la pression sur les prix va s’accentuer : « Je vois toujours cela comme un risque car, si on veut investir, il faut qu’il reste quelque chose à la fin de l’année. N’oublions pas qu’un hôtelier qui investit le fait aussi dans l’économie locale en donnant du travail à des entreprises. Pour les hôtels qui ne bénéficient pas d’un crédit ouvert par une fondation par exemple, c’est la rentabilité pure qui permet de dégager des fonds. Au niveau des infrastructures, tout le monde s’est bougé ces dernières années, mais certains qui ont rénové il y a cinq ans reprennent déjà un nouveau programme. »

Stefano Brunetti estime que l’on a probablement atteint un maximum de densité hôtelière, mais que les perspectives de faire travailler tous ces établissements restent bonnes. « Avec le SwissTech Convention Center de l’EPFL, on retrouve un peu les grands congrès que nous n’avions plus depuis longtemps. Si on regarde l’agenda de ce centre pour les prochaines années, il y aura de quoi remplir les hôtels. » L’Association Romande des Hôteliers (ARH) a quant à elle de nouveau poussé un formidable coup de gueule en mai dernier contre la plateforme Airbnb et ceux qu’elle considère comme des « hébergeurs clandestins » qui ne s’acquittent ni de la taxe de séjour, ni de toutes les formalités auxquelles les hôteliers conventionnels et conventionnés sont astreints.

UNE STRATÉGIE PAYANTE

L’Office du Tourisme vaudois (OTV) se félicite d’une augmentation de 0,8 % du nombre des nuitées pour l’ensemble du canton. C’est toutefois une progression trois fois moindre que celle enregistrée sur le territoire de Lausanne Tourisme. On dénombre dans la seule région lausannoise plus de 43 % du total des nuitées vaudoises, lesquelles se sont élevées à 2 912 563 en 2018. Lausanne (1 258 932 nuitées) et  Montreux (731 753 nuitées) sont les deux locomotives du tourisme vaudois s’agissant de la promotion en dehors des frontières. L’OTV rappelle qu’un tournant stratégique a été effectué en 2010 lorsque les marchés de la zone Euro traversaient une crise et une instabilité monétaire. C’est alors qu’ont été redoublés les efforts sur le marché alémanique, ce qui a eu pour effet, au plan vaudois, de faire progresser cette demande indigène de plus de 40 % en dix ans.

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LA TAXE DE SÉJOUR POUR AIDER BEAULIEU

Les personnes en séjour à Lausanne sont astreintes à une taxe quotidienne dont le montant varie de 2.60 francs à 4.20 francs en fonction du type d’hébergement, du plus simple au plus luxueux. Les clients des hôtels y contribuent environ pour 70 %, ceux de la para-hôtellerie déclarée (appartements, villas, studios, chambres, pensionnats et instituts) pour 30 %. Dans le cadre de sa reprise en main du destin de Beaulieu, la Municipalité de Lausanne propose d’augmenter cette taxe de quelques francs ou centimes à partir de 2021 pour contribuer à son financement.

Des discussions sont en cours avec les milieux hôteliers et les communes du périmètre de la taxe de séjour. La Ville explique qu’en fonction de ce périmètre et de l’ampleur de l’augmentation, « des recettes de l’ordre de 2,5 à 3 millions de francs pourraient être escomptées, dont 1,5 million environ pourrait être affecté au financement de Beaulieu ». Le solde serait affecté au renforcement des moyens dont dispose le FERL et destinés à promouvoir et appuyer la venue de congrès ou de grandes manifestations à Lausanne. Acceptable ou pas ? La taxe de séjour perçue à Lausanne n’est pas la plus haute. Dans les hôtels de la Riviera, par exemple, elle s’échelonne de 3 à 5 francs. « Je reste convaincu qu’il est important pour le tourisme d’affaires de conserver Beaulieu qui est quand même un atout, remarque Steeve Pasche. Notamment avec l’installation de l’École de santé La Source et du Tribunal arbitral du sport. Par ailleurs, s’agissant des congrès, il est important de conserver une infrastructure complémentaire au SwissTech Convention Center pour pouvoir disposer en dehors des quatre et cinq-étoiles de salles de 200 à 600 places. »

Tout le monde est d’accord sur un point : la nécessité d’alimenter un fonds pour dynamiser l’accueil des congrès. En clair, il faut pouvoir faire face à l’exigence des congrès internationaux qui demandent souvent le paiement de droits d’entrée de la part de la ville ou de la région d’accueil, ou souhaitent bénéficier de subventions couvrant une partie de leurs charges, sous la forme de billets d’avion ou autre. Car si la région est belle et irrésistible, il ne suffit plus d’offrir 36 bouteilles de vin pour décrocher un événement dont les retombées sur l’hôtellerie et l’économie en général sont bienvenues. Les hôteliers en sont bien conscients.

Selon le rapport de gestion de la Municipalité pour 2018, la taxe de séjour a rapporté l’an passé 4 387 603 francs, c’est 41 722 francs de plus que l’année précédente en raison de l’augmentation des nuitées hôtelières : « Cette taxe est reversée à raison de 50 % à Lausanne Tourisme. L’autre moitié va au Fonds d’encouragement pour l’équipement touristique (FERL). » Et Steeve Pasche de préciser que Lausanne Tourisme sollicite le FERL pour des projets bien précis qui ont pour but d’améliorer l’offre touristique, par exemple la rénovation du bureau d’accueil d’Ouchy ou encore le changement du système de la carte de transport. De fait, le fonds FERL est principalement utilisé pour soutenir des événements touristiques majeurs tels que les JOJ 2020, le Triathlon, le Festival de la Cité, Lausanne Jardins ou encore Label Suisse.