BEAULIEU: À LA RECHERCHE D’UN FUTUR DURABLE POUR LES HALLES NORD

Dès janvier 2020, les Halles Nord de Beaulieu seront rendues à la Ville de Lausanne. Que faire de ce site vétuste offrant actuellement, en deux niveaux, plus de 17 000 m2 de plancher ?


Dès janvier 2020, les Halles Nord de Beaulieu seront rendues à la Ville de Lausanne. Que faire de ce site vétuste offrant actuellement, en deux niveaux, plus de 17 000 m2 de plancher ? Avant de transformer ou démolir puis reconstruire ici des bâtiments adaptés à notre époque, la Commune et la Fondation de Beaulieu tiennent à déterminer qui pourraient en être les futurs investisseurs et utilisateurs. Cela afin de pouvoir répondre aux souhaits et besoins, plutôt que les définir puis les imposer dans un nouveau décor à prendre ou à laisser. Une sorte de démarche « à l’envers », qui relève d’une logique à la fois entrepreneuriale et pragmatique et devrait conduire vers un avenir viable tant économiquement que d’un point de vue sociétal.

Cette mission de recherche d’une valorisation au sens large a été confiée par la Ville à un consultant extérieur, Rémy Berzin, exposant enthousiaste au salon Habitat-Jardin, fort d’un long parcours dans l’immobilier et l’entrepreneuriat, grand connaisseur du site, et surtout convaincu que le challenge en vaut la peine. « L’idée est de préparer un appel à des investisseurs intéressés à se projeter dans cette entreprise en fonction des attentes de la Ville et de la Fondation », explique-t-il en saluant l’intelligence de la Commune et de la Fondation dans cette démarche d’un genre nouveau. Il a déjà noué de nombreux contacts avec des investisseurs institutionnels notamment. Le défi se situe sur un tout autre plan que celui de la problématique de l’occupation des surfaces commerciales et industrielles vacantes, nombreuses en ville de Lausanne.

Le site de Beaulieu ne manque pas d’atouts exclusifs. En matière d’accessibilité, il est parfaitement en phase, plutôt bien loti, notamment avec le futur M3 et l’actuel parking de 590 places. Et les lieux ne manquent pas de charme, ne serait-ce que par le magnifique jardin procurant un environnement détendu particulièrement appréciable. « Il s’agira de trouver une formule qui ait du sens, souligne Rémy Berzin. Si les exigences de part et d’autre sont trop contraignantes, le projet n’aura aucune chance. J’insiste sur la partie économique dans mes démarches, car partir d’une vision architecturale a priori ne mènerait à rien si aucun investisseur n’y est intéressé. »

L’ÉPINE DANS LE PIED

Le secteur des Halles Nord, c’est un peu l’épine dans le pied pour le site de Beaulieu. Construites de 1960 à 1962, modernisées de 1976 à 1978, transformées en 1990, ces vastes halles tranchent avec la modernité des Halles Sud, démolies puis inaugurées en 2011 en un bâtiment parfaitement contemporain. Les Halles Nord, c’est aussi un espace immense en deux niveaux, totalisant plus de 17 000 m2 de plancher. Pas besoin de faire un dessin pour montrer qu’on est loin ne serait-ce que des exigences d’aujourd’hui en matière énergétique. Une chose est sûre, pour la Ville, une reconstruction ou transformation profonde des Halles Nord comme centre d’exposition serait « un non-sens compte tenu de l’état du marché en matière de foires et de l’absence de rentabilité programmée pour des bâtiments qui ne seraient utilisés que quelques jours par année ». De fait, le défi consiste à donner vie de manière pérenne à un espace bien plus vaste encore, puisqu’il atteint les 40 000 m2 si l’on y joint le potentiel constructif du Front Jomini.

L’appel à l’occupation immédiate lancé depuis peu porte toutefois des fruits, quand bien même les contraintes techniques du lieu en limitent l’utilisation. Encore louées au Comptoir Helvétique, ou occupées par les JOJ 2020 pour les répétitions du spectacle d’ouverture des Jeux, ces halles ne sont toutefois pas (encore) condamnées. Elles sont appelées à renaître, sous une forme ou une autre, dans des bâtiments dont les travaux sont censés débuter à l’horizon 2025. À condition que cette renaissance s’accompagne d’une réelle rentabilisation pour la collectivité publique.

En clair, il s’agit de rentabiliser ces surfaces en y attirant des activités nouvelles, si possible originales et à caractère économique. Un premier rapport compilant toutes les observations et données recueillies par Rémy Berzin en collaboration avec Nicolas Gigandet, le directeur de la Fondation, sera remis à la Ville au printemps 2020. Ce document sera ensuite nourri de réflexions de la Commune, de la Fondation et des milieux économiques. « Il s’agira d’obtenir une vision qui soit partagée par un maximum de protagonistes, souligne Rémy Berzin. Nous aurions pu choisir de produire quelque chose de très académique, mais cela aurait manqué de vision économique. En fait, nous nous sommes beaucoup inspirés de ce qui se fait ailleurs en Europe, tout en sachant que les contextes sont différents. Ce document ne fait aucune considération politique. Basé sur une approche pragmatique, il sera ensuite à la disposition de la Commune pour élaborer un plan d’affectation, lequel débouchera alors sur une mise au concours à l’intention des investisseurs. »

TOUT EST OUVERT

Que faire de ce site ? Tout est ouvert. Cela va des activités dans les services, l’hôtellerie et la para-hôtellerie, le sport, le coworking, le commerce en circuit court, etc. « On peut attirer ici de nouveaux talents, créer une sorte d’écosystème, considérant par exemple qu’il existe de nombreuses entreprises désirant pouvoir travailler dans une approche collective. Nous aimerions pouvoir insuffler une vision correspondant à l’esprit contemporain où les collaborateurs de la génération Y apprécient de pouvoir travailler par opportunité, par rencontres. Cela devrait permettre de faire ici un lieu de vie centre sur le nord de la ville. »
Les synergies possibles avec les activités par ailleurs présentes à Beaulieu constituent un potentiel supplémentaire important. De quoi créer un véritable pôle économique pour le nord de la ville. Il s’agit aussi de s’inspirer de ce qui s’est fait ailleurs en matière de réhabilitation de sites à connotation industrielle, de prendre en compte les réussites mais aussi les facteurs d’insuccès. Dans le registre des réussites, Nicolas Gigandet et Rémy Berzin citent le complexe Darwin qu’ils ont visité à Bordeaux, considéré comme exemplaire en Europe. « On y trouve des espaces commerciaux, des magasins, des lieux publics, des festivals en plein air. Toutes ces activités réunies engendrent une nouvelle manière de travailler. Et nous, à Lausanne, nous avons la chance d’être situés au centre de la ville ce qui n’est pas tout à fait le cas pour cet ancien arsenal. De plus, ici nous pouvons faire jouer la complémentarité avec des activités de congrès et d’expositions et nous avons un théâtre. »
La comparaison avec la réussite de la réhabilitation de la plateforme du Flon est incontournable. Rémy Berzin souligne toutefois que les objectifs visés sont très différents pour Beaulieu. Ne serait-ce que parce que la valorisation du quartier du Flon, appartenant à un fonds d’investisseurs, est de nature quasi exclusivement économique. « À Beaulieu, cela sera quelque chose d’un peu plus sociétal, un lieu de vie, avec un souci de rentabilisation. »

LE CONTEXTE

Le projet Halles Nord s’inscrit dans un contexte global de dynamisation du site de Beaulieu. La SA sur le point d’être créée reprendra les Halles Sud, le Palais de Beaulieu, le pavillon administratif et le Presbytère. « Cette SA aura quatre missions, rappelle Nicolas Gigandet, directeur de la Fondation. La première consistera à gérer congrès et manifestations dans le Palais et les Halles Sud. La seconde sera de reprendre le Théâtre actuellement en rénovation. La troisième relèvera d’une tâche de gérance pour les locataires permanents que sont par exemple l’École La Source et le Parking ainsi que pour le Tribunal Arbitral du Sport quant à lui propriétaire de ses locaux. Le site profite également de la présence du prestigieux Ballet Béjart Lausanne (BBL) et du Concours international de danse “ Prix de Lausanne ”. Enfin, la SA sera par ailleurs partie prenante dans l’élaboration du projet des Halles Nord. »