cash

COUP D’ACCÉLÉRATEUR VERS LA RARÉFACTION DU CASH

Le principe de précaution pour éviter la contamination a rendu suspects pièces et billets de banque échangés de la main à la main.


Le principe de précaution pour éviter la contamination a rendu suspects pièces et billets de banque échangés de la main à la main. Amorcé depuis plusieurs années, le déclin des paiements en cash s’est précipité face à cet argument sanitaire s’ajoutant aux avantages de la digitalisation. Le règlement des petits achats en magasin par carte de débit/crédit sans contact se généralise, les applications dédiées ou les monnayeurs automatiques remplaçant le tiroir-caisse s’implantent plus solidement que jamais.

Twint

MasterCard, Visa, American Express et Postfinance ont fait passer de 40 à 80 francs la limite supérieure de règlement sans minimum d’achat au moyen de leurs cartes pourvues du dispositif sans contact. Cela dans de nombreux pays, dont la Suisse. Présenté comme temporaire, cet assouplissement permet davantage aux clients de ne pas utiliser le clavier des terminaux de vente pour introduire leur code PIN puisqu’il suffit d’en approcher sa carte suffisamment près pour valider le paiement.

Cette possibilité est censée éliminer un risque potentiel de transmission du virus, risque certes très limité, mais rendu probable depuis que l’OMS a recommandé l’utilisation des moyens de paiement par carte sans contact physique. Par ailleurs, l’utilisation d’une application permettant le paiement au moyen d’un smartphone a littéralement explosé : le porte-monnaie numérique Twint aurait gagné plus de 7000 utilisateurs par jour depuis le début de l’épidémie.

La crise semble précipiter la fin de l’argent liquide dont on prédit la disparition depuis des années au profit du tout numérique, tellement plus pratique. Et lorsque le paiement par pièces et billets subsiste, il y a les monnayeurs automatiques pour limiter les manipulations. Ces appareils se chargent non seulement d’encaisser et de rendre la monnaie, mais ils dispensent le commerçant de faire la caisse en fin de journée car ils la tiennent avec zéro risque d’erreur. «Les monnayeurs automatiques sont déjà bien présents en France et ailleurs, et ils vont désormais pouvoir mieux se répandre en Suisse, explique Rémy Pires, directeur de Safety Money SA du groupe Cashmag, car il a fallu pour cela en modifier le mécanisme afin de les adapter aux grandes dimensions de la pièce de 5 francs. »

LOI

NÉCESSITÉ PAR LA LOI

La pandémie provoque des réactions contrastées tant chez les acheteurs que chez les vendeurs s’agissant de l’obligation d’acceptation des paiements en cash. Il se trouve que la loi régissant les droits et obligations en matière d’utilisation d’argent liquide semble à géométrie variable. Le Conseil fédéral a tenté de faire la part des choses dans sa réponse en novembre 2018 à un postulat de la conseillère nationale Prisca Birrer-Heimo qui s’inquiétait de la disparition progressive des transactions en espèces. Nous étions loin cependant de la situation actuelle, puisqu’une enquête réalisée en 2017 par la BNS montrait que 70 % des paiements étaient effectués en liquide. Avec pour principales raisons avancées «la disponibilité et l’acceptation, les coûts, la sécurité ou la protection de la sphère privée ».

Le Conseil fédéral rappelait alors que «l’obligation d’accepter les moyens de paiement légaux est inscrite dans la Loi fédérale sur l’unité monétaire et les moyens de paiement (LUMMP, art. 3) en tant que droit dispositif et garantit ainsi la liberté contractuelle. Si cette liberté devait être limitée, il faudrait transposer le droit dispositif dans le droit impératif ». Il est notamment mentionné dans cette loi l’obligation d’accepter jusqu’à 100 pièces suisses courantes ainsi que des billets de banque suisses sans limitation de la somme.

Mais attention ! Les magasins qui ont banni le cash ne sont pas pour autant dans l’illégalité. « Il est question ici de droit dispositif, soulignait le Conseil fédéral. Cela signifie qu’il s’agit d’une disposition légale à laquelle il est possible, dans un cas particulier, de déroger par contrat. Les conditions générales peuvent ainsi exclure un paiement en espèces. Dans ce contexte, il est essentiel que l’acheteur potentiel soit informé au préalable de cette dérogation. » En clair, il faut à tout le moins que l’acheteur ait été informé. Quant au droit du client de pouvoir payer en monnaie numérique, c’est une autre histoire…