montbenon

LA VRAIE BATAILLE DU STATIONNEMENT NE FAIT QUE COMMENCER

La suppression de quelque 600 cases de stationnement en ville de Lausanne dans le cadre de la procédure d’urgence définie par le Canton s’inscrit dans une politique communale visant à une plus grande maîtrise des transports motorisés individuels sur son territoire.


La suppression de quelque 600 cases de stationnement en ville de Lausanne dans le cadre de la procédure d’urgence définie par le Canton s’inscrit dans une politique communale visant à une plus grande maîtrise des transports motorisés individuels sur son territoire. La décision de principe prise de racheter le parking de Montbenon près de la Gare CFF pour gérer à sa guise ses 933 places procède de la même ambition. Cela dans un contexte de complications attendues de la nouvelle future arrivée de la ligne de tram dans son tronçon entre la place de l’Europe et Vigie à la suite de l’abandon de la rampe Vigie-Gonin. Avec comme avant-goût, la fermeture au trafic du Grand-Pont pour travaux pendant un peu moins d’un an en 2022, sans que personne ne se risque à s’aventurer sur son devenir à moyen terme.

places blanches

« La politique de stationnement est l’un des piliers de la politique de mobilité », écrit la Ville de Lausanne dans un vaste rapport-préavis censé faire le tour de la question et préconisant avec succès le rachat du parking de Montbenon récemment adopté par le Conseil communal. On pourrait ajouter que la politique de la mobilité est l’un des piliers de celle du dynamisme économique. Avec une offre globale de 97 100 places de stationnement sur son territoire en 2019, la capitale vaudoise est, à première vue, bien lotie. L’Observatoire de la mobilité du Service communal des routes et de la mobilité en dresse un inventaire (illustration en page 14) qui indique cependant la grande diversité de la disponibilité de ces places. De ce nombre total, la Commune a la main sur 21 000 places publiques situées sur le domaine géré par elle. Les habitants y disposaient en 2019 de 12 440 cases selon le système des macarons. À quel prix ? Selon une analyse de Comparis rendue publique l’été dernier, Lausanne se situe dans la fourchette supérieure en matière de prix de cette carte valable un an, vendue 500 francs, donnant droit à participer au petit jeu des chaises musicales en dehors des temps réglementaires. Des quarante plus grandes villes de Suisse prises en compte par Comparis, la plus chère est en Suisse alémanique. À Wetzikon (ZH), 24 000 habitants, le macaron coûte 1080 francs. La moins chère est Riehen (BS), 21 000 âmes, qui ne perçoit que 8 francs. Entre ces deux extrêmes, citons Genève (200 francs), Renens (360 francs), Yverdon (270 francs), Montreux (170 francs), Neuchâtel (110 francs) ou encore La Chaux-de-Fonds (20 francs). D’une manière générale, Comparis observe que les villes romandes sont dans l’ensemble moins chères pour les résidents sans place privée. Les choses ne se passent pas exactement comme prévu s’agissant des six parkings P+R lausannois. Ils totalisent 2252 places, dont près de la moitié dans la seule installation de Vennes. La fréquentation annuelle moyenne est certes passée de 845 usagers, en 2002, à 1191, en 2017, soit une augmentation de 40 %, mais le taux d’occupation journalier moyen a dégringolé de 71,5 % à 48 % en seize ans. Le P+R de Vennes et celui d’Ouchy/Bellerive s’en sortent le mieux, avec respectivement un taux de 63 % et de 65 %. La situation est en revanche tout autre à la Bourdonnette et au Vélodrome, avec respectivement un taux d’occupation de 31 % et de 17 % seulement. Cela peut s’expliquer par la forte augmentation de l’offre, mais une surcapacité n’est pas exclue et d’autres affectations de ces aires de stationnement sont envisagées. S’agissant des véhicules utilitaires des entreprises, l’un des facteurs de l’activité économique, l’offre en macarons a été étoffée. Ils disposent de 265 places de livraison sur l’espace public communal, dont 98 situées dans la zone L, c’est-à-dire l’hyper-centre, et ils ont la possibilité d’acquérir divers types de macarons afin de prolonger leur temps de stationnement dans un ou plusieurs secteurs de la ville.

macaron

CES MACARONS SONT DE TROIS TYPES :

• Macarons réservés aux entreprises et commerces localisés dans les zones A à O (au prix annuel de 500 francs).
• Cartes à gratter permettant de stationner à la demi-journée ou à la journée sur toutes les places de stationnement
payantes ou bleues des zones A à O (zone L : CHF 12.– / ½ journée et CHF 24.– / jour entier ; autres zones : CHF 8.– / ½ journée et CHF 15.– / jour entier).
• Macarons « entreprise standard » permettant de parquer les véhicules professionnels sur les emplacements du domaine public à durée de stationnement limitée, sur l’ensemble du territoire communal (maximum 3 macarons par entreprise), afin de favoriser l’activité des artisans et des entreprises lausannoises.
À noter que le tarif du macaron entreprise vient de baisser, passant d’un prix annuel de 1500 à 600 francs.

Riponne

« ETATISATION » DE MONTBENON

Dix parkings privés à usage public sur terrain communal jouent un rôle essentiel dans la disponibilité de places de stationnement en ville et par là de son accessibilité en transport motorisé individuel. Ces parkings totalisent 6603 cases, y compris les 1200 du parking-relais de Vennes. Hormis ce dernier, c’est celui de la Riponne, avec ses 1190 places, qui est le plus grand. Tous sont au bénéfice d’un droit de superficie. La Ville aimerait bien les récupérer afin de pouvoir intégrer leur gestion dans sa politique globale de stationnement. Cela n’est bien sûr possible qu’à l’échéance de ce droit, or ces échéances sont encore bien lointaines, sauf pour l’un d’entre eux, celui de Montbenon. C’est ainsi que la Municipalité a récemment obtenu le feu vert pour entreprendre les démarches visant à s’approprier cette infrastructure d’une capacité de 933 places, située dans un quartier stratégique, près de la Gare CFF et de Plateforme 10, avec des accès tant sur l’avenue Ruchonnet que sur le chemin de Mornex. Le droit de superficie octroyé à S.I.Esplanade de Montbenon SA avait été signé en 1961 pour une durée de cinquante ans. Il s’agissait alors du premier grand parking privé à usage public construit en ville de Lausanne. Ce droit de superficie avait été prolongé en 1991 de quinze ans, moyennant une renégociation de la redevance. Cette servitude arrive à échéance le 20 novembre 2026, mais il va falloir faire vite étant donné le délai de cinq ans en vigueur pour une résiliation par l’une ou l’autre des parties. « La reprise du parking de Montbenon doit être mise en relation avec le programme Léman 2030 des CFF, qui va transformer la gare de Lausanne et ses abords dans le but de doubler sa capacité d’accueil de voyageurs, explique la Ville. S’y ajoutent de nombreux projets connexes qui se développeront dans le secteur du Pôle Gare (nouveaux M2/M3 zone commerciale, pôle muséal Plateforme 10, quartier de la Rasude, etc.) ; le réaménagement de la place de la Gare prévoit de libérer cet espace de tout stationnement en surface. Ainsi, le stationnement des cars et des taxis pourrait être déplacé sur l’esplanade du parking de Montbenon. » Et d’envisager notamment d’y reporter une partie du stationnement des voitures et des motos. Ou encore, étant donné la vaste surface de l’esplanade, de la consacrer à d’autres usages, comme le stationnement des cars pour Plateforme 10. Reste à régler l’épineuse question financière. La résiliation du droit de superficie implique que la Ville devient propriétaire des bâtiments et des installations existantes. Et qu’elle doit verser pour cela, dans un délai d’une année, une contrepartie représentant une valeur fixée par un tribunal arbitral composé de trois membres, dont un représentant par partie qui désigneront le troisième membre, lequel présidera. Combien en coûtera-t-il ? « L’indemnité ne sera cependant pas supérieure à la valeur comptable initiale des bâtiments et des impenses, déduction faite d’un amortissement de vétusté de 1 % par an, le solde étant majoré du 40 % de la différence (en pourcent) entre l’indice de la construction au moment de l’achèvement du bâtiment et l’indice au moment du transfert. » Une opération qui pourrait prendre la forme d’un cautionnement au profit de la SA Parking-Relais Lausannois, société entièrement en main de la Ville, laquelle en assurerait alors la gestion. Autre option : la Commune pourrait confier l’exploitation à une entreprise privée. Dans tous les cas, elle aurait un plus grand pouvoir de décision que celui autorisé par le droit de superficie s’agissant de l’organisation du stationnement dans cette installation, comme l’instauration de places courte durée ou
l’autopartage. La bataille du stationnement dans la capitale vaudoise, et par là de la mobilité, ne fait que commencer.