UN TOIT VÉGÉTALISÉ PEUT ÊTRE UN INVESTISSEMENT DURABLE

Fin 2020, on recensait quelque 680 toits végétalisés de bâtiments privés ou publics sur le territoire de la commune de Lausanne.


Fin 2020, on recensait quelque 680 toits végétalisés de bâtiments privés ou publics sur le territoire de la commune de Lausanne. On estime que 2000 toitures plates ou à faible pente de la capitale vaudoise pourraient encore potentiellement être ainsi aménagées. Pour l’esthétique, mais pas seulement. Bien sûr, à Lausanne-ville-en-pente, où le regard porte souvent sur les toitures environnantes, la vision du végétal est toujours plus agréable que celle du minéral. Ce serait déjà pas mal, mais la végétalisation des toitures joue aussi en faveur des économies de dépenses d’énergie et de la longévité des matériaux d’isolement. Mieux qu’un effet de mode, cette tendance qui s’accentue est par ailleurs parfaitement adaptée au changement climatique.

Ce n’est pas demain la veille qu’à Chavannes-près-Renens, dans le futur quartier des Cèdres, on admirera le panorama depuis les 35 étages de la tour d’habitation végétalisée de bas en haut dessinée par l’architecte milanais Stefano Boeri sur le modèle de son fameux Bosco Verticale, inauguré en 2014 dans la capitale lombarde. Les promoteurs Avni Orllati et Bernard Nicod ont certes fini par se mettre d’accord  l’immeuble sera construit par le premier, les espaces commercialisés par le second, mais il faut maintenant passer sans encombre le cap de la mise à l’enquête pour cette construction pas tout à fait comme les autres.

LA CINQUIÈME FACADE

En attendant à Chavannes le passage de l’image de synthèse à la réalité de ce qu’il faut qualifier de réalisation extrême du genre, du moins dans notre pays, la végétalisation de bâtiments plus ou moins luxuriante se pratique et se développe essentiellement sur leur toiture, cette « cinquième façade » comme aiment à dire les spécialistes. Les exemples se multiplient dans la région lausannoise, certains immanquablement visibles, à l’image du bâtiment du métro M2 à la place de l’Europe. On en dénombre actuellement près de 680, privés ou publics, sur le territoire de la commune. Ils sont tous repérables en quelques clics sur le site map.lausanne.ch, sous la rubrique « environnement construit », « toitures végétalisées ». Il y aurait encore 2000 toitures, plates ou à faible pente, qui s’y prêteraient dans la capitale vaudoise. Pour encourager les propriétaires qui ne sont pas contraints à végétaliser leur bâtiment par une réglementation d’urbanisme, la Ville a mis en place en 2015 un soutien. Les privés intéressés par un tel aménagement, soit lors de la construction ou à l’occasion de rénovations, peuvent ainsi bénéficier, d’une subvention de 40 francs par m2, pour un maximum de 1200 m2. Une quinzaine de projets en avaient bénéficié à la fin de 2020, quand bien même les demandeurs ne se pressent guère au portillon pour bénéficier des 650 000 francs alloués à cette opération. Mais attention : si la taille de la toiture excède la surface maximale subventionnée par le projet, l’ensemble de la toiture doit tout de même être végétalisé. Aucune mise à l’enquête n’est nécessaire lorsqu’il s’agit de toitures dites non accessibles. Pour montrer l’exemple avec les constructions dont elle est propriétaire, la Ville a émis en 2018 une directive stipulant que toutes les toitures avec une pente de moins de 10 degrés doivent être végétalisées lors de rénovations. « Cela permet de compenser une partie de la perte de surface au sol en constante densification. » Pas seulement.

LE DÉCLIN DES TOITS EN PENTE

La Suisse romande est en retard. L’Association suisse des spécialistes du verdissement des édifices (ASVE), forte d’une centaine de membres  corps de divers métiers, communautés d’intérêt, etc., compte moins de dix Romands. Cela n’est pas surprenant, sachant que la végétalisation des toitures est une tendance venue d’Allemagne et qu’elle a mis du temps à passer outre-Sarine. Elle est apparue dans les années huitante, en résultante de la prolifération des constructions de bâtiments à toits plats. Car en Suisse, si en 2000 encore 83 % des toits de nouveaux bâtiments d’habitation étaient des toits inclinés, on en compte actuellement plus que 48 %. Et aujourd’hui, plus de 70 % de l’ensemble des nouvelles toitures du parc immobilier sont plates. « Les toits plats offrent beaucoup de potentiel en ce qui concerne la conception de l’espace, mais aussi de la rétention d’eau et de l’économie d’énergie, explique l’ASVE. Les toits verts agissent comme une protection naturelle, ainsi que comme un régulateur climatique. » De fait, cela renforce l’isolation thermique du bâtiment et réduit les écarts de température. Les immeubles deviennent moins sensibles aux conditions extérieures. La température de surface d’un toit de gravier peut atteindre une température de 70 degrés, contre environ 30 degrés s’il est végétalisé. Avec les étés de plus en plus chauds qui s’annoncent, cela devient un argument à prendre en considération.

UTILE EN CAS DE PLUIE

Les étés caniculaires semblent se suivre et se répéter, les fortes précipitations en font de même, nous en avons eu une nouvelle démonstration en 2021. En ville, où les surfaces imperméables dominent, la gestion des eaux de pluie devient problématique. En retenant plus de la moitié des précipitations annuelles, les toits végétalisés contribuent à diminuer les ruissellements en cas de forte averse. À cela s’ajoute que les végétaux et leur substrat retiennent les poussières et les particules fines de l’eau tombée du ciel. À Lausanne, cela peut se traduire par une remise sur la taxe d’évacuation des eaux claires facturée au propriétaire si la toiture végétalisée possède un substrat suffisamment épais pour en retenir au moins 34 l par m2 et limiter le débit à 0,2 l par seconde pour 100 m2 de surface.

QUESTION D’ARGENT

L’aménagement d’un toit végétalisé a bien sûr un surcoût par rapport à un toit plat conventionnel recouvert de gravier, car l’étanchéité doit résister à la pénétration des racines ou doit en être protégée par une couche supplémentaire de protection. Ce coût est estimé de 50 à 120 francs le m2, selon les espèces végétales qu’on y met, mais aussi selon la nature du substrat. Tout cela semble revenir nettement moins cher en Suisse alémanique où l’habitude d’utiliser quasi exclusivement un substrat naturel, comme du tout venant de la terre de chantier, est plus répandu. Il faut par ailleurs compter environ 5 francs par m2 par année pour l’entretien. À noter que la végétalisation dite extensive, sur des toitures non accessibles, se développe à partir de semence ou de pousse spontanée sur un substrat de 10 à 15 cm d’épaisseur seulement et son entretien est très sommaire. Au fil du temps, au bout de trois à quatre ans, l’investissement devient payant. Non seulement parce que la végétalisation apporte une plus-value esthétique au bâtiment, mais comme dit plus haut, parce que cela améliore son isolation, donc les dépenses en énergie. On estime par ailleurs qu’une toiture végétalisée dure en moyenne deux fois plus longtemps. En retenant les U. V., la végétation empêche en effet le vieillissement des matériaux d’étanchéité. Enfin, l’installation de panneaux solaires est non seulement parfaitement compatible avec un toit végétalisé – pour autant qu’ils soient inclinés – mais en rafraîchissant l’air ambiant, la végétation améliore leur rendement par grande chaleur.