De la voiture à l’e-commerce, les modèles financiers changent

Dans un marché automobile bouleversé, les offres de location longue durée se multiplient. Présentée au client comme une alternative plus avantageuse au leasing, cette formule de financement jadis prisée surtout par les en- treprises est appelée désormais à séduire aussi les particuliers et pourrait révolutionner les pratiques commerciales. Bouleversement en vue également dans le monde de l’e-commerce avec l’arrivée du « Buy now, pay later », permet- tant à l’acheteur de payer plus tard en une ou plusieurs fois sans frais et présenté comme un amplificateur de chiffres d’affaires pour les entreprises qui y ont recours par l’entremise d’acteurs spécialisés dans ce type de service.

Les comparatifs de nouvelles voitures réalisés par Automoto sur TF1 attribuent désormais leurs étoiles non plus selon le prix de vente des véhicules premium, mais selon le montant mensuel de leur location longue durée sur au moins six mois. Cela réserve quelques surprises au passage. Vus de la sorte, les plus avantageux ne sont en effet pas nécessairement ceux qui coûtent le moins cher à l’achat, mais ceux dont la valeur de revente au bout de deux ou trois ans est la plus élevée. Tout est dit ou presque.

Dans un marché automobile pétri d’incertitudes quant à l’avenir, l’abonnement longue durée s’inscrit comme une alternative de plus en plus prisée face à l’achat ainsi qu’au leasing. La souplesse économique est plus que jamais de mise devant les incertitudes en matière économique et de politiques de la mobilité, sans parler de l’évolution technologique rapide, notamment en mobilité électrique et informatique.

L’abonnement auto s’avère d’autant plus intéressant qu’il est en effet présenté comme une formule souvent plus économique que le leasing pour le particulier. De plus en plus d’importateurs, assureurs, start-up, mais aussi acteurs de la location « traditionnelle » et même les CFF, qui en furent les précurseurs avec leur abonnement général train + BMW électrique, se profilent sur ce créneau. Cette forme nouvelle de financement est considérée comme un « win-win » où tant le prestataire que l’utilisateur y trouvent leur compte. Tout indique que ce modèle va prendre de l’ampleur.

Comparis s’est intéressé de près à ce nouveau marché en 2020. Le comparateur de prix a considéré les trois formules les plus avantageuses de douze prestataires face à une offre de leasing pour la même voiture sur une base de trois ans sans acompte, pour un kilométrage annuel moyen de 20 000 km. Rappelons que leasing et abonnement sont deux formules fondamentalement différentes sur plusieurs points. A la différence du leasing, le montant des mensualités de l’abonnement est un «tout compris ». La mensualité englobe l’assurance casco, l’entretien, les réparations éventuelles – la plupart du temps auprès de garages partenaires –, les pneus, les taxes et même la vignette autoroutière. L’offre peut aussi comprendre une carte essence pour faire le plein à des conditions avantageuses. Pour réaliser une comparaison réaliste, il convient donc d’ajouter à la mensualité de leasing le montant de ces charges engendrées par l’utilisation du véhicule. Pour les prendre en compte sur une base réaliste, Comparis s’est référé à l’évaluation du TCS.

A titre indicatif, cela a donné les résultats suivants. L’offre la moins chère en location longue durée était celle de Carify: une Renault Clio TCe 100, disponible par abonnement pour 349 francs mensuels, le même véhicule en leasing, charges comprises, revenant à 450 francs par mois. Chez Carvolution, c’est une Fiat 500 0.9 TwinAir qui était la meilleure: 449 francs en abonnement contre 524 francs en leasing, charges comprises. Auto Kunz enfin, pour la même Fiat 500 0.9 TwinAir, demandait une mensualité de 489 francs en abonnement, et 524 francs en leasing, charges comprises.

 

« Buy now, pay later »

Ça ne l’a même pas fait sourciller de devoir payer à l’adresse de Klarna, non à celle de H&M, les 79 francs de sa dernière livraison de commande en ligne. Ni la possibilité d’avoir 30 jours pour le faire, alors que d’ordinaire, les factures d’achat par e-commerce se règlent immédiatement, voire avant d’avoir reçu la marchandise. Le client lambda du roi suédois du prêt-à-porter utilise sans même le savoir les services d’une entreprise d’un genre nouveau qui ne cesse de faire des émules, tant chez les commerçants que chez les sociétés de financement. Klarna est l’un des géants du
« Buy now, pay later». Si cette société est elle aussi suédoise, elle est active dans le monde entier avec d’innombrables partenaires commerciaux et depuis peu de temps présente en Suisse également. Elle fait face à de nombreux challengers tels que, depuis peu, HeidiPay, une semblable à la mode helvétique.

« Acheter maintenant, payer plus tard », tel est le nouveau credo, voire l’eldorado de l’e-commerce. Le système est présenté comme un incontournable dans la boîte à outils du marketing. Le principe, qui ne se cache pas d’entrer en concurrence frontale avec les cartes bancaires de débit ou de crédit, est d’une simplicité désarmante.

Le « Buy now, pay later», BNPL pour les initiés, s’appuie sur une application permettant de commander en ligne auprès de nombreux fournisseurs, grandes surfaces ou petits commerces. Mais sa botte secrète est ailleurs. Les sociétés de BNPL reprennent la créance de la facture du commerçant partenaire, puis se chargent de son encaissement auprès du client, à 30 jours, voire en deux ou trois versements, cela sans frais pour ce dernier.

Cela n’a l’air de rien, mais chacun s’accorde à constater que cette formule de paiement différé booste littéralement un e-commerce déjà en pleine croissance, par ailleurs renforcée depuis le début de la crise sanitaire. Le BNPL se définit donc comme un partenaire de croissance du commerçant. Tout indique que cette facilité de paiement incite davantage de visiteurs des sites e-commerce à devenir des clients et à fidéliser ceux qui le sont déjà. Selon HeidiPay, les commerces qui adhèrent à ce système peuvent tabler sur une croissance de 15 % de leurs ventes, avec un panier moyen plus élevé de 50% tandis que le paiement de la facture leur est garanti.

La force du BNPL, c’est qu’il ne coûte rien aux clients. Leur paiement différé ou échelonné n’est en effet chargé ni d’intérêts ni de majoration. C’est le commerce partenaire qui finance ce service. Il s’en acquitte sous la forme d’une commission du même ordre de grandeur que celle demandée par les opérateurs de cartes de crédit, mais les gains réalisés seraient nettement supérieurs. C’est ici que les acteurs de ce service financier pas comme les autres font leur profit, ainsi que pour certains dans la facturation d’intérêts de retard aux mauvais payeurs.

Le procédé s’apparente au crédit traditionnel, mais il n’est pas soumis à la Loi fédérale sur le crédit à la consommation (LCC) avec son cortège de mesures destinées à combattre le surendettement. Cette législation ne s’applique en effet pas lorsque le montant est inférieur à 500 francs, ni si le délai de remboursement ne dépasse par les trois mois.