PETITES ET GRANDES CURIOSITÉS DE LA DÉMOGRAPHIE LAUSANNOISE

En progression constante, la population de la commune de Lausanne a dépassé les 145 000 âmes. Qui sont les habitants de la capitale vaudoise, d’où viennent-ils, que font-ils? Le Portrait statistique de Lausanne 2021, publié par le Service de l’économie de la Ville, répond à ces questions ainsi qu’à quelques autres. Sans mentionner ou développer toutefois quelques particularités matière à réflexion, à l’image de celle que les démographes désignent sous l’appellation « migration interne de la population résidente permanente », phénomène persistant et particulièrement déficitaire l’an passé pour la capitale vaudoise.

La population lausannoise est en constante augmentation. Le Portrait statistique de Lausanne 2021, publié par le Service de l’économie a dénombré 145 538 habitants au moment de l’instantané réalisé pour la photographie. Des cinq plus grandes villes de Suisse avec Bâle, Berne, Genève et Zurich, Lausanne est celle où la part des personnes de moins de 20 ans est la plus importante: elle représentait 29,4% de sa population en 2020. Mais il y a une autre manière de voir les choses, lorsqu’on se penche sur le bilan de la migration interne de la population permanente 2020 publié sur le site de l’Office fédéral de la statistique.

Par migration interne de la population permanente, on en- tend pour Lausanne les personnes venues s’y installer depuis une autre commune vaudoise ou un autre canton, ou celles qui ont quitté la capitale vaudoise pour une autre commune ou un autre canton. A la lumière de ces mouvements dits « internes », la commune a enregistré l’an passé 7135 arrivées (5409 d’une autre commune et 1726 d’un autre canton). Or, dans le même temps, ce sont 9611 départs qui se sont pro- duits (7585 vers une autre commune et 2026 vers un autre canton). Il en résulte un solde négatif de 2476 personnes, soit une diminution de plus de 17 pour 1000 Lausannois. Des dix villes suisses prises en considération par la statistique fédérale, Lausanne est celle qui a déploré le plus grand déficit au bilan de ce type de migration. Elle devance de peu la ville de Genève (déficit de 3350 personnes pour 205 000 habitants). Si la ville de Zurich a le bilan négatif le plus important en nombre absolu avec un déficit de 5347 personnes, celui-ci rapporté à l’ensemble de sa population (près de 420 000 âmes) est nettement inférieur à celui de Lausanne. A l’autre extrémité de cette approche statistique, on trouve la ville de Berne, avec un déficit de seulement 991 âmes pour une population similaire à celle de Lausanne.

Les 2476 personnes « de trop » qui ont quitté Lausanne pour une autre commune ou un autre canton représentent un nombre encore jamais atteint. L’une des raisons invoquées pour tenter d’expliquer le phénomène serait les conséquences de la crise sanitaire qui aurait incité les gens qui le pouvaient à déménager en dehors du chef-lieu. Selon les économistes du secteur immobilier de UBS, il s’agit d’un phénomène constaté dans de nombreuses villes du monde. Les gens qui en ont la possibilité tentent de fuir les centres des villes pour s’établir dans l’agglomération. La crise sanitaire, avec le développement du télétravail et le souhait de vivre dans un logement plus spacieux et plus calme, jouerait aussi un rôle dont l’importance reste toutefois à quantifier. En réalité, Lausanne connaît depuis trois ans un déficit du même ordre de grandeur à l’aune de la migration interne de la population résidente. Ce déficit est même chronique depuis au moins une vingtaine d’années et les milieux immobiliers en sont bien conscients. S’agissant du cas lausannois, il n’est pas interdit d’imaginer que cet exode risque de s’accélérer à la suite du battage médiatique sur la pollution à la dioxine d’une large partie du sous-sol de la ville.

Pour autant, ce déficit de migration interne n’a pas empêché la ville de continuer à grandir en 2020. Selon la statistique fédérale, la commune a d’une manière générale enregistré 13 990 arrivées et 13 917 départs, ce qui donne un solde migratoire positif de 73 personnes. Avec un léger bémol toutefois si l’on zoome sur les ressortissants helvétiques: 4551 arrivées mais 5515 départs. L’évolution de la population s’est par ail- leurs caractérisée par 1642 naissances et 1177 décès, soit un accroissement naturel de 465 âmes. Autre bémol lorsqu’on précise que sans ses ressortissants étranger, Lausanne aurait compté davantage de décès que de naissances: 947 pour 883.

Le boom des étrangers

Lausanne aime à se définir comme « ville estudiantine et porte d’entrée de l’immigration ». On y compte quelque 160 nationalités. « Plus de 20 % de la population de nationalité suisse est née à l’étranger. A l’inverse, plus de 15 % des personnes d’origine étrangère sont nées en Suisse. » De fait, en trente ans, la part de la population d’origine étrangère est passée de moins d’un tiers (30,4 %) à près de la moitié (42,6 %). Cette part est supérieure à 50% parmi les classes d’âge comprises entre 25 et 45 ans. Cette croissance de la population étrangère résulte essentiellement de l’entrée en vigueur en 2002 de l’accord sur la libre circulation des personnes conclu entre la Suisse et les pays de l’Union européenne. Cet afflux témoigne évi- demment de l’essor économique de l’Arc lémanique et de la région lausannoise en particulier. Un essor auquel ont par ailleurs participé à Lausanne l’an passé 6169 frontalières ou frontaliers, soit presque six fois plus qu’en l’an 2000.

Parmi les principales nationalités présentes dans le chef-lieu vaudois, les Italiennes et les Italiens, qui constituaient 6,9% de la population lausannoise en 1990, n’en constituent plus que 4,5 %. La diminution est encore plus marquée pour les Espagnols et Espagnoles : 3,6 % aujourd’hui contre 6,3% il y a trente ans. C’est désormais la nationalité française qui est la plus présente, avec 8,7 % aujourd’hui, contre 3,1 % en 1990, suivie par celle du Portugal, passée de 4 % à 5,7 %.

 

Des cinq plus grandes villes de Suisse, Lausanne est celle où les hauts revenus sont les plus lourdement taxés. DR

Aide sociale à la baisse

Bon an mal an, Lausanne recense depuis une dizaine d’années en moyenne 5000 bénéficiaires de l’action sociale vaudoise (prestations financières et mesures d’insertion). De fait, si l’on ajoute les personnes à charge de ces ménages, ce sont environ 7600 âmes qui sont concernées. Précisément, en 2020 à Lausanne, on comptait 4741 personnes – non comprises celles à charge – au bénéfice du Revenu d’insertion. Pratiquement autant de femmes que d’hommes et autant de nationalité suisse qu’étrangère. Cependant, la Ville observe que le taux d’aide sociale, calculé par rapport à la population résidante permanente âgée de 18 à 64 ans est à la baisse depuis 2012 : « Cette tendance positive a toutefois connu une hausse ponctuelle en 2020 en raison de la crise sanitaire. Après un pic atteint en avril, la courbe est ensuite redescendue dès le mois de juin pour atteindre un minimum historique en décembre. »