LAUSANNE AMBITIONNE DE DEVENIR INCONTOURNABLE

Quatrième ville de Suisse en nombre d’habitants et en taille, la capitale vaudoise se situe bien plus loin dans le classement sur les plans économique et de l’emploi. Avec les conséquences qu’on imagine en matière de ressources fiscales. La Municipalité considère aujourd’hui indispensable l’élaboration d’une stratégie propre de développement économique par la valorisation des nombreux atouts locaux et de son territoire. Elle a créé à cet effet une nouvelle unité administrative. Dirigée par Fabrice Bernard, économiste et conseiller stratégique à la syndicature, cette cellule est chargée de mettre en œuvre et de conduire un plan d’action sur la période 2023 à 2026.

Fabrice Bernard, conseiller stratégique
à la syndicature, dirigera la nouvelle
unité de promotion et développement
économiques forte de trois
responsables de projets. DR

La situation économique lausannoise décrite dans un rapport détaillé* établi en juin dernier par le Service communal de l’économie n’est pas brillante. Préoccupante en tant que telle, mais aussi
et surtout en comparaison d’autres communes vaudoises et de principales villes du pays. Selon ce document, « c’est sur le volet des personnes morales que le potentiel économique et contributif de Lausanne se voit distancé de manière assez marquée, moins en termes d’entreprises assujetties, mais plutôt par rapport à leur taille et leur position de dominance sur le marché ».

Pour autant, Lausanne ne manque pas d’atouts enviables, qui méritent d’être davantage valorisés en termes d’impacts économiques. C’est le cas notamment des domaines de la santé, de la recherche, de la formation, du sport et du tourisme. Une récente étude de l’Académie internationale des sciences et techniques du sport (AISTS) a par exemple calculé que la présence de nombreuses fédérations internationales sportives rapportait plus d’un demi-milliard de francs en retombées directes, indirectes et induites dans le district de Lausanne.

Déficiences pesantes

S’agissant des éléments de bénéfice net des personnes morales assujetties à l’impôt fédéral direct (IFD), en francs par habitant, Lausanne figurait en 2015 en douzième position parmi les villes de Suisse. En termes d’éléments de bénéfice, le rapport observe que la ville se place au 9ème rang. Avec un volume d’environ cinq milliards, elle se trouve à la hauteur d’un sixième ou d’un septième du volume de Zurich, Bâle, Lucerne et Zoug, et même au-dessous de Genève, Berne, Neuchâtel et Vevey.

En ce qui concerne les personnes physiques, à la différence des villes de Suisse alémanique, Lausanne recense une part significative de contribuables dont les ressources n’atteignent pas le seuil du
revenu imposable. Pour l’assujettissement à l’IFD, ceux-ci étaient 34 % en 2015, et 25 % pour l’impôt cantonal et communal en moyenne 2015-2017.

Lausanne et ses nombreux atouts
méritent d’être mieux valorisés sur le plan
économique. Avec notamment le Biopôle
comme modèle de réussite, la Ville vient
de créer une unité administrative à cet
effet. ©Hugues Siegenthaler

Enfin, en matière d’emplois des sociétés privées domiciliées sur la commune, Lausanne occupe le 5e rang, loin derrière Genève, bien plus encore derrière Berne. D’une manière générale, la ville pâtit d’un rapport défavorable entre habitants et emplois privés surtout. La législature précédente a beaucoup porté sa volonté sur le développement du logement le plus abordable, la présente se fait fort de rendre Lausanne incontournable pour les entreprises. Cette vaste mission est assurée actuellement dans sa généralité par la Commission promotion économique de l’association Lausanne Région, qui regroupe 27 communes et à laquelle Lausanne a jadis passé le flambeau. Cela depuis le début des années 2000. Or la Ville considère que la situation actuelle n’est pas satisfaisante. « Aucune promotion de la « destination économique Lausanne » n’est aujourd’hui en place », observe le Municipal Pierre-Antoine Hildbrand dans son avant-propos du rapport mentionné plus haut. Aussi la commune vient-elle de créer une organisation interne en réponse aux enjeux révélés par le rapport. Cela indépendamment de l’étude lancée par Lausanne Région portant sur ses activités de promotion économique, en particulier celles au profit de sa ville centre.

Dirigée par l’économiste Fabrice Bernard, conseiller stratégique à la syndicature et composée de trois responsables de projets, cette Unité de développement et promotion de la ville de Lausanne (UDPV), est actuellement en phase de constitution. Elle aura pour missions la valorisation et le développement des différents sites d’activités économiques ainsi que des secteurs du tourisme et la gastronomie. Elle devra « permettre de renforcer l’attractivité de la Ville sur le plan économique et touristique par des activités de promotion multisectorielles ainsi qu’en relation étroite au secteur privé ». Concrètement, elle contribuera à la mise en place des conditions cadres nécessaires.

Stratégie ambitieuse

Le décor étant posé, comment Lausanne va-t-elle mener à bien une telle politique de valorisation et de promotion ? Avec une vision stratégique reposant sur trois axes. D’abord par le développement des sites d’activités (Rasude, Beaulieu, Sévelin-Sébeillon-Provence-Malley, Vernand, Prés-de-Vidy, Plaines du Loup), cela avec pour modèle le Biopôle à Epalinges qui s’étend de plus en plus sur Lausanne et représente une valorisation exemplaire d’un site par la création et l’animation d’un écosystème d’entreprises à forte valeur ajoutée. Ensuite par la valorisation de la ville comme destination économique et touristique. Enfin par une amélioration des connaissances des acteurs présents ou souhaités et des flux économiques qu’ils génèrent.

Il ne s’agit pas de tourner le dos à Lausanne Région ou de la doublonner, mais de réaliser que bien des choses ont changé depuis la mise en place de la stratégie actuelle, il y a plus de vingt ans. Fabrice Bernard : « Il convient désormais de considérer au mieux les intérêts d’une ville centre qui a un poids important, en comparaison avec d’autres régions aux équilibres mieux marqués entre les communes. Lausanne veut développer une dynamique à la mesure de ses atouts et de ses enjeux ». La création de cette unité lausannoise tombe par ailleurs au bon moment, dans la perspective de la préparation de la stratégie 2023 – 2028 de Lausanne Région.

Cette stratégie ambitieuse s’appuie notamment sur une collaboration étroite avec le secteur privé. «Mais pas seulement au niveau du dialogue ou de l’échange d’information, indique le chef de l’UDPV. Il va falloir prendre en compte la nécessité d’améliorer la réactivité de l’administration et du secteur public, d’être capable de saisir les opportunités, de faire preuve d’une approche entrepreneuriale afin de répondre beaucoup plus rapidement aux besoins ».

*Intitulé « Potentiel économique et contributif du territoire lausannois »,
ce rapport est disponible en ligne sur
www.lausanne.ch/officiel/statistique/analyses.html

La Ville de Lausanne a recensé plusieurs
sites où pourraient et devraient se
développer des écosystèmes à l’image de
celui du Biopôle. ©Hugues Siegenthaler