L’HEURE DE VÉRITÉ POUR LA STRATÉGIE DES ÉCOQUARTIERS

La première phase de l’écoquartier
des Plaines-du-Loup passe enfin de
la projection à la concrétisation avec
l’arrivée des premiers habitants.

Soutenu en votation populaire par Economie Région Lausanne (ERL), destiné à répondre aux besoins de la population en matière de logement et d’emplois, le mégaprojet Métamorphose prend désormais tout son sens. Il est résolument passé de l’intention à la concrétisation. Les premiers habitants se sont installés l’été dernier aux Plaines-du-Loup, nouveau morceau de ville destiné à en accueillir quelque 8000 d’ici deux ans.

Un second quartier du même type est en gestation aux Prés-de-Vidy, tandis qu’à Malley se précisent les contours d’un complexe de logements, bureaux et activités commerciales selon la même ambition de favoriser des constructions écologiques ainsi que la mixité des activités comme des occupants. ERL soutient la réalisation de tels ensembles excentrés, mais redoute un manque de vision globale notamment en matière d’infrastructures.

Discours enthousiastes devant une centaine d’invités, applaudissements et visite guidée ont fêté l’été dernier un couper de ruban attendu de longue date, quelque peu différé en raison de la pandémie. « C’est une étape importante, mais aussi l’heure de vérité », lança le syndic de Lausanne pour la circonstance.
Il s’agissait de fêter l’arrivée de quelque 200 habitants dans les deux premiers immeubles du quartier des Plaines-du-Loup, entre Pontaise et Blécherette, à trois kilomètres du centre de Lausanne.
Le vaste chantier et ses finitions ne sont pas terminés. D’ici 2030, ces résidants devraient être 8000, en vingt-trois trois bâtiments totalisant 1124 appartements, dans un secteur de 146 000 m2 où l’on espère compter quelque 3000 emplois si les promesses sont tenues. Dans un avenir plus lointain, une deuxième étape de constructions, au-delà du parc public « du Loup », non encore engagée, et faisant l’objet d’un deuxième plan d’affectation, plus à l’est, en direction de la Pontaise, devrait amener 2500 habitants de plus à s’établir sur ce vaste site.
Considéré comme l’un des plus ambitieux de Suisse, ce premier écoquartier lausannois à grande échelle occupe actuellement dix hectares. Il a, par définition, été conçu pour laisser une empreinte écologique aussi faible que possible, tout en offrant de nombreuses activités et équipements sportifs, ainsi qu’en favorisant la mixité sociale et intergénérationnelle.

Contre-exemple ?
Le terme d’écoquartier qualifie un quartier d’une ville conçu de manière à minimiser son impact sur l’environnement, dans une perspective de développement durable. Ni l’expression, ni cette idéologie, ne faisait encore partie du vocabulaire des urbanistes et des politiques au début des années septante, lorsque fut construit le quartier de la Bourdonnette, au sud-ouest de Lausanne, dans ce qui apparaissait alors comme une sorte de no mans land.
Pourquoi évoquer ici cette cité satellite ou vivent actuellement quelque 2000 personnes, cité imaginée en 1968 comme un véritable laboratoire sociologique ? Parce qu’en matière d’infrastructures, elle est aujourd’hui considérée comme un exemple à ne pas suivre.
La Bourdonnette fut certes sauvée de son isolement territorial en 1991 avec l’arrivée du métro m1 devant sa porte, mais une nouvelle démonstration de la difficulté d’y intégrer et faire perdurer des services essentiels a été donnée l’automne passé, avec la colère des habitants en raison de la fermeture de l’unique magasin d’alimentation présent sur les lieux, lequel faisait aussi office d’agence postale.
L’histoire n’est peut-être pas terminée, mais elle illustre l’importance de l’existence d’une infrastructure sociale et économique interne équilibrée dans les ensembles de vie denses et excentrés, sous peine d’en faire des cités dortoir, si ce n’est pire. Rien de tel aux Plaines-du-Loup si l’on en juge par le souci de la Ville d’y amener dès la conception le plus de diversité possible.
À la grande différence de la Bourdonnette, dont la vocation était d’offrir surtout des logements à loyer modeste, ceux des Plaines-du-Loup sont voués à la mixité sociale, car dus à des investisseurs contraints par la Ville de proposer des appartements subventionnés (30 %), mais aussi des appartements régulés (40 %), ainsi que des appartements dits du marché libre (30 %). Le secteur, voulu comme un véritable morceau de ville et non une cité dortoir, propose de nombreuses surfaces de bureaux et se prépare à accueillir commerces
et services en tout genre.

Quelle mobilité ?
Gérer les déplacements, autrement dit la connexion avec l’extérieur et le centre-ville, c’est une autre histoire. Selon une étude du bureau Transitec spécialisé dans les questions de mobilité, l’écoquartier des Plaines-du-Loup va « multiplier par neuf le nombre des déplacements dans le périmètre des PPA ». Un transfert modal massif de la mobilité individuelle motorisée vers les transports en commun est considéré comme la seule solution possible pour éviter le chaos dans un secteur déjà hyper saturé aux heures de pointes sachant notamment que 3000 emplois supplémentaires y sont espérés.

La deuxième étape de l’écoquartier des Plaines-du-Loup (Plan d’affection 2), est tout aussi ambitieuse que la première.

Pour autant, pas question, du moins à l’heure actuelle, de bannir la voiture aux Plaines-du-Loup. Les immeubles ne comportent pas de parking sous-terrain, mais les concepteurs ont prévu sur la partie ouest du site un parking communautaire d’une capacité de 710 places en sept plateaux. Pour le reste, le long de l’avenue des Plaines-du-Loup, axe routier essentiel qui fera l’objet d’une requalification, devrait continuer à offrir de nombreuses places de parc à durée limitée et payante.
Le salut viendra toutefois d’ailleurs, par la future ligne de métro m3 destinée à devenir l’épine dorsale de la mobilité dans le secteur. On n’a pas fini de regretter que cette ligne, présentée comme un argument majeur pour convaincre de s’installer ici, ne sera opérationnelle que dans près d’une dizaine d’années. Force est en effet aujourd’hui d’admettre qu’on n’est pas près de passer des images de synthèse à la réalité, sachant les retards pris jusqu’ici ainsi que les obstacles et imprévus qui risquent de se présenter en cours de construction.

Ruée vers l’ouest
L’écoquartier des Plaines-du-Loup n’est pas le seul à émerger dans la région lausannoise. En juin dernier, les premiers coups de pelleteuse du projet Central Malley ont été donnés dans le cadre du réaménagement de la friche industrielle de Malley, sur les communes de Prilly et de Renens.
Un projet littéralement sauvé des eaux après la crainte, en raison de mesures d’économie des CFF, que leur secteur immobilier ne puisse parvenir à investir les 250 millions de francs nécessaires pour cette réalisation labellisée « site 2000 Watts ». Baptisé « Central Malley », cet ensemble d’immeubles se veut « orienté vers les nouveaux modes de vie et de travail ». Sur une surface totale de 42 200 m2, ces constructions agrémentées d’espaces publics verts proposeront 23 7000 m2 de bureaux, 14 700 m2 de logements en environ
200 appartements et 3800 m2 de commerces. Quelque 500 habitants et 1500 emplois y sont attendus. Au stade actuel, aucune information précise ne semble disponible s’agissant de l’accessibilité en mobilité individuelle motorisée et possibilité de stationnement, ce qui pourrait s’avérer pénalisant quoi qu’on en pense. Ce qui est sûr, c’est que Central Malley sera particulièrement gâté en desserte par transports publics : proximité immédiate de la gare RER CFF de Prilly-Malley, du métro m1 et du futur tram t1 ainsi que de plusieurs lignes de bus.

À Malley, sur le territoire de la commune de Lausanne, autour de la Manufacture, le jury a choisi l’automne dernier le joli projet du bureau Beta Office associé à Echo Urban Design à Amsterdam ainsi que le montre cette image de synthèse.

À Malley toujours, mais cette fois sur le territoire de la commune de Lausanne, ce sont les contours d’un autre nouveau quartier qui se dessine sur le site « La Manufacture », la Haute Ecole des arts de la scène. À l’est du pont du Galicien, dans une impasse sur un territoire situé entre la voie ferrée reliant Lausanne à Sébeillon et la rue du Grand-Pré, les CFF, la Ville de Lausanne et la Régie Charmot & Cie ambitionnent de créer un nouvel ensemble incluant l’extension de la Haute Ecole. Au terme d’un mandat d’études parallèles (MEP) lancé en septembre 2021, le jury a choisi l’automne dernier entre les projets de six équipes d’architectes-paysagistes
celui du bureau Beta Office associé à Echo Urban Design à Amsterdam. À terme, ce sont des logements de tous types, des bureaux et des surfaces commerciales qui devraient faire émerger ici un nouveau centre de vie. Là aussi, les répercussions de la densification des mobilités dans ce quartier déjà congestionné aux heures de points n’ont pour l’heure pas été communiquées sinon étudiées, ce qui laisse redouter un manque de vision globale de l’intégration de ce beau projet dans le tissu urbain existant.

Musique d’avenir
Il y a plus loin encore de la coupe aux lèvres s’agissant du second écoquartier ressortissant avec celui des Plaines-du-Loup du projet Métamorphose. C’est carrément de la musique d’avenir.
Quelques 2500 habitants et 1000 emplois sont attendus sur ce second site au sud-ouest de la ville, aux portes de Lausanne. Les Prés-de-Vidy, ce sont deux plans d’affection, respectivement « Vidy La Romaine » de 135 000 m2 et « Les Jardins de Vidy » de 45 000 m2. Si les contours du futur écoquartier des Prés-de-Vidy sont bel et bien esquissés, le contenu et le calendrier demeurent encore plutôt flous.

En juin dernier ont été donnés les premiers coups de trax du réaménagement de la friche industrielle de Malley, sur les communes de Prilly et de Renens, dont cette image de synthèse donne une idée du résultat attendu.

« Vidy La Romaine » se situe comme son nom le laisse penser sur un site archéologique important. Des travaux de fouilles sont prévus jusqu’en 2025. Ce secteur doit comporter un complexe scolaire. Le calendrier ? Selon la Ville, Les études permettant notamment de définir les infrastructures de mobilité pourraient être engagées dès 2024. Un appel d’offres à des investisseurs est envisagé à l’horizon 2025, les premières constructions dès 2028 et l’arrivée des occupants dès 2030 jusqu’en 2033.
Quant aux « Jardins de Vidy », prévus à forte dominance de logements, le lancement d’un concours d’architecture, d’ingénierie et de paysagisme ne devrait pas tarder. Ce devrait être le premier de ces deux secteurs à voir arriver les premiers habitants, à l’horizon 2029.

 

UNE VILLE DANS LA VILLE
L’occupation des espaces aux Plaines-du-Loup, au gré des diverses constructions, telle qu’indiquée en novembre dernier dans un document publié sur le site de la Ville représente un véritable inventaire à la Prévert.

Santé et social. Policlinique médicale universitaire, cabinet de pédiatrie, cabinet pluridisciplinaire (infirmière, médecin psychiatre, psychothérapeute, psychomotricienne psychologue psychothérapeute), pharmacie, centre de physiothérapie, CMS, centre d’accueil temporaire, deux EMS (120 lits).
Commerces. Succursale Migros, épicerie italienne avec petite restauration, kiosque journaux/tabac, épicerie cosmopolite, épicerie en vrac avec produits locaux et bio, magasin de seconde main.
Education. Centre de vie enfantine (CVE), accueil de jour pour enfants en milieu scolaire (APEMS), Ecole Jordils, centre d’enseignement spécialisé, école primaire (plus de 300 enfants).
Cafés, restauration. Restaurant de 60 à 80 places, restaurant burger chic, take-away cuisine froide, restaurant italien, café bar, antenne et bar-buvette du Cinéma.
Divers. Artisan informaticien, coiffeur, fitness PKF Center, espace de coworking, espace d’art, atelier multiusage, salle polyvalente de 158 m2.

Cette énumération est bien sûr susceptible de modifications au fil du temps. Pour boucler la boucle avec l’évocation de la Bourdonnette, on observe toutefois que le document municipal ne mentionne pas la création d’un office postal.