
L’ALTERNATIVE EFFICACE À LA VOITURE ENCORE EN IMAGES DE SYNTHÈSE

Une infrastructure de transports publics performante est une alternative efficace à la mobilité individuelle motorisée en ville de Lausanne. Nous l’appelons de nos voeux, nous en sommes encore loin, même si nous nous en approchons. L’interruption du chantier de la Gare CFF pour un temps indéterminé en raison de doutes sur la fiabilité des études techniques retarde le démarrage de celui de la transformation du métro m2 et conditionne la construction de la ligne du m3 nécessaires et pressantes. La future ligne de tram t1 aboutissant au Flon se présente sous de meilleurs hospices et les travaux vont bon train, mais celle des BHNS (Bus à haut niveau de service) s’annonce décevante. Economie Région Lausanne (ERL) soutient ces projets, mais appelle de ses vœux que l’on passe des images de synthèse à la réalité avant que ne se multiplient davantage les mesures visant à compliquer, voire à supprimer, l’accessibilité à la ville en voiture. Le risque de mettre la charrue avant les bœufs est grand, avec les conséquences qu’on est en droit de redouter pour l’attractivité économique de la ville.
Lausanne, 29 juin 2021. « D’ici 2030, il y aura plus de 100 000 voyageurs par jour entre Lausanne et Genève, soit le double d’aujourd’hui. Les travaux qui démarrent répondent donc à un besoin évident. » Ainsi parla Simonetta Sommaruga, alors encore Conseillère fédérale cheffe du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) censé avoir les CFF en mains. La ministre était venue ce jour-là à Lausanne fêter le premier coup de pioche du chantier de la modernisation de la Gare. Cette phrase tirée de son discours officiel indique à tout le moins qu’elle n’était pas encore (ou mal) informée des complications qui ont provoqué le refus par l’Office fédéral des transports (OFT) – une entité de son département – du projet des CFF, contraignant ces derniers à remettre l’ouvrage sur le métier.
Bien malin qui pourrait dire quand cet indispensable chantier à plus d’un milliard de francs sera achevé, ou même quand il sera sérieusement commencé dans sa partie la plus invasive. Cette situation ne serait qu’une affaire impliquant des instances relevant de la Confédération si elle n’avait pour conséquence de retarder le début des travaux de repositionnement du métro m2 et de construction du m3. Ces deux réalisations, parmi d’autres infrastructures de transports publics, sont en effet très attendues pour donner du sens à une politique communale de mobilité visant à compliquer toujours plus, sinon à exclure, l’accessibilité de la ville en voiture.
Du feu vert à la réalisation…
Il faudra donc s’armer de patience. Ce n’est pas l’annonce faite en décembre dernier de la validation des plans d’une toute petite partie des projets m2 et m3 par l’OFT qui fait véritablement avancer l’histoire. À ce stade, n’ont en effet été validés par la Confédération que les plans de la future station du m3 au Flon. De même que ceux du nouveau tunnel à double voie du métro m2 entre le secteur de Grancy et le Flon, bien qu’on s’interroge sur ce que cela peut signifier, ce futur tunnel devant passer sous une gare dont les CFF doivent recalculer la stabilité future à la suite de l’injonction de ce même Office fédéral des transports. « Une deuxième étape de développement suivra, portant sur la construction du nouveau m3 entre Flon et Blécherette », promet l’OFT sans en dire davantage. Cette décision est tout de même censée « permettre au Canton et à ses partenaires d’affiner le projet et le calendrier des travaux en lien avec le chantier de la gare de Lausanne », selon le communiqué très poli émis par le Canton à cette occasion.
Porter la fréquence du m2 à une minute ou 50 secondes aux heures de pointe, c’est bien et nécessaire, doubler le nombre de voyageurs et voyageuses entre Gare CFF et Flon grâce au m3, c’est bien mieux. Cela dit, c’est aussi et surtout sur le secteur entre Flon et Blécherette que le futur m3 est le plus attendu. Notamment pour desservir l’écoquartier des Plaines-du-Loup, dont il constitue l’ossature de transports publics indispensable en raison du relatif isolement de ce secteur sur le haut de la ville promis à être densément peuplé. De fait, l’écoquartier n’est pas la seule réalisation d’envergure qui a été « vendue » avec une desserte par métro. Il en est de même pour le stade de la Tuilière en bout de ligne, tandis que l’attractivité du site de Beaulieu a elle aussi tout à gagner de sa
future connexion au m3.

Quel P+R pour le m3 ?
On observe qu’à la différence du m2, il n’est pas prévu de doter le m3 d’un équipement P+R de nature à véritablement encourager le transfert modal des personnes motorisées arrivant à Lausanne par la route de Romanel, ou quittant l’autoroute à la Blécherette (le P+R du Grand-Mont n’offre que 46 places). À la question de savoir s’il est projeté de construire un parking relais au niveau de la Blécherette, le Canton répond certes par oui. Mais il ne précise pas à quel endroit, tout en soulignant que ce P+R serait de taille réduite, l’objectif étant surtout de « favoriser les ’ petits ’ pendulaires plutôt que de favoriser une hyperpendularité qui ne ferait que saturer le système de transport ». En clair, le m3 semble se profiler donc comme une ligne essentiellement tournée vers et depuis la gare CFF, non pensée pour favoriser l’accès à la capitale vaudoise pour les personnes venant de l’extérieur se déplaçant, par nécessité plus que par choix, en voiture. Le m3 n’apparaît ainsi pas comme résultant d’une vision globale de la mobilité, sachant notamment que le P+R du vélodrome (580 places) disparaîtra lorsque commencera la deuxième phase de construction de l’écoquartier des Plaines-du-Loup. De plus, le futur métro ne semble pas vu à l’échelle du canton, à la différence du m2 qui fut financé pour cela par l’ensemble des Vaudoises et Vaudois.
Tram t1 et BHNS
Le feu vert donné par l’OFT en décembre dernier concernait aussi une partie de la future ligne de tram t1 entre Renens- Gare et Lausanne-Flon, précisément le « lot ouest », pour lequel les tl avaient demandé en 2020 des modifications au permis accordé en 2016. Quant au « lot est », entre Lausanne-Prélaz et Lausanne-Flon, les plans ont été soumis à l’OFT et sa décision devrait tomber très bientôt. Aujourd’hui, les travaux sont lancés à l’ouest et les choses pourraient alors aller très vite. Au plan judiciaire, les oppositions qui gelaient le dernier tronçon avant le Flon ont été levées, moyennant des conventions avec les milieux économiques stipulant notamment que le Grand-Pont restera ouvert au trafic motorisé individuel jusqu’à la mise en service du tram.
Troisième projet phare des transports en communs lausannois : la ligne de bus à haut niveau de service, dite BHNS, où doivent circuler en site propre ou avec priorité aux carrefours des bus à double articulation d’une capacité allant jusqu’à 150 personnes. Prévue pour… 2021, on attend toujours cette ligne destinée initialement à relier l’ouest lausannois à Lutry ainsi que le Tunnel à Bellevaux de manière plus efficiente que le système actuel. Toutefois, devant le refus de la commune de Paudex de procéder aux coûteux aménagements routiers nécessaires, cette ligne aura son terminus à Pully. D’une manière générale, restent à régler et négocier avec les riverains les inévitables chambardements en matière de circulation afin d’intégrer cette ligne pas comme les autres dans le réseau urbain lausannois.
Cerise sur le gâteau
A ces complications vient aujourd’hui s’ajouter une autre : la gageure de disposer de suffisamment de personnel pour conduire bus et trams. Seule consolation : cette problématique ne concerne pas les métros lausannois automatiques, sans conducteur. Cette difficulté à assurer la relève pourrait cependant freiner le développement du réseau de transports publics urbains si elle venait à s’aggraver. Et il n’y a pas que cela. Les transports publics genevois, par exemple, ont dû retirer certaines courses de l’horaire en raison d’un taux d’absentéisme très important.
Les tl indiquaient à la fin de l’année dernière devoir faire face à une pénurie de personnel qui pourrait compromettre le développement de l’offre. Il leur faut en effet trouver plus de 600 conducteurs et conductrices au cours des sept prochaines années – du jamais vu – pour faire face aux départs la retraite. Et ce serait d’autant plus difficile que la profession peine à intéresser les jeunes, peu tentés par ce métier qui, en milieu urbain, est stressant de par les conditions de trafic, mais aussi par le contact avec une clientèle parfois peu amène. Chacun s’accorde à dire que la solution passe par l’engagement de davantage de personnel féminin, lequel ne constitue actuellement que 15 % des roulants. Cela devrait aller de pair avec l’augmentation de l’offre d’emplois à temps partiel, afin de répondre aux souhaits de plus en plus nombreux de ménager un équilibre entre vie professionnelle et vie privée, quand bien même cela complique sérieusement l’organisation des plans de travail.
L’horizon des événements
Gare CFF modernisée, métros m2 et m3, tram t1, BHNS… Aucune indication ne peut être avancée quant à leur mise en service étant donné le flou qui règne sur le démarrage de travaux. L’expression désormais consacrée consiste à donner un « horizon » plutôt qu’une date, terme dont on se gardera de rappeler qu’il s’agit d’une ligne imaginaire qui s’éloigne au fur età mesure qu’on s’en approche.
Les travaux de mise à niveau de la gare de Lausanne auraient dû initialement se terminer en 2025, or ils auront probablement à peine débuté à cette date et on estime qu’il y en aura pour une dizaine d’années. Le couper de ruban du m2 redimensionné dépend quant à lui non seulement de celui de la gare de Lausanne, mais aussi du temps qu’il faudra pour régler les inévitables oppositions, déjà connues ou à venir, qu’il s’agira de régler parfois jusqu’au plus haut niveau des instances judiciaires. Une dernière remarque qui vaut évidemment aussi pour le m3, le tram t1 et pour les BHNS.
DEUX LIGNES DE MÉTRO INDISPENSABLES
À la hauteur de la station Grancy, la ligne m2 subira un décrochement d’une vingtaine de mètres vers l’ouest, puis s’enfoncera dans un nouveau tunnel parallèle à l’existant, entièrement à double voie, d’une longueur de 258 mètres. Une nouvelle station Gare CFF, plus proche du futur centre gravité de la gare de Lausanne, sera construite, dotée de quais nettement plus spacieux. Les voyageurs CFF n’auront plus à traverser la place de la gare. Ce nouveau tunnel se prolongera jusqu’à la station Lausanne-Flon où le m2 poursuit sa progression comme actuellement. La pente de 12 % entre Gare CFF et Flon s’en trouvera diminuée de moitié.
La future ligne m3 se construira par étapes. Dans un premier temps, il circulera à la manière d’une navette entre son terminus Gare CFF aménagé dans l’actuelle station du m2, et l’interface du Flon. Puis la ligne longue de 3,6 kilomètres filera sous terre en direction de la Blécherette. Particularité : la ligne croisera par en-dessous celle du m2 à la hauteur de Saint-Laurent. On se souvient de l’effondrement ici lors du chantier du m2, mais la géologie de l’endroit est désormais bien connue et le nouveau tunnel est creusé en dessous de la zone instable. Le m3 rejoindra la Blécherette en cinq stations intermédiaires peu profondes : Chauderon, Beaulieu, Casernes et Plaines-du-Loup.
LE FAUX DÉPART DU CHANTIER DU SIÈCLE INQUIÈTE
La suspension de l’essentiel du chantier du siècle ordonnée en octobre dernier par l’Office fédéral des transports en raison de manquements techniques reprochés aux CFF n’a pas fini de faire couler de l’encre. La suppression par la Ville des palissades de la Place de la gare afin d’y aménager un espace d’animation saisonnière en attendant que les travaux reprennent souligne et aggrave le sentiment de fiasco qu’on peut éprouver face à ce coup de d’arrêt.
Selon l’OFT, ce ne sont rien de moins que les aspects liés à la statique du front sud de la gare, des structures prévues sous les futurs quais élargis ainsi que sous la Place de la gare qui doivent être revus afin d’en améliorer la sécurité et la longévité. On frémit à l’idée de penser que les calculs faits jusqu’ici ne permettaient peut-être pas d’exclure un effondrement. De nouveaux calculs devront être réalisés, validés à l’interne par le CFF puis validés par l’OFT.
En réponse à plusieurs interpellations devant le Conseil national, il a été informé que cela entraînera inévitablement des coûts supplémentaires impossibles à estimer actuellement. À l’antenne de la RTS, Vincent Ducrot, le patron des CFF, a déploré un manque d’ingénieurs qualifiés dans ses troupes, tout en soulignant que ce ne sont pas les calculs des CFF qui ont été mis en cause, mais ceux de mandataires qui ont provoqué un désaccord entre experts.
Plutôt que tirer à boulets rouges sur les CFF, le Conseiller aux états et ingénieur Olivier Français, grand connaisseur des questions de transport, souligne que l’OFT a fait évoluer les normes de sécurité, ce qui remet en cause des paramètres de dimensionnement ».