UN BILAN DE SANTÉ DU COMMERCE DE DÉTAIL

Entre 2011 et 2020, le domaine de l’habillement a accusé une baisse de présence physique particulièrement marquée dans le canton, passant de 953 à 789 magasins entre 2011 et 2020.

Entre 2011 et 2020, tandis que la population vaudoise a augmenté de 12 %, le commerce stationnaire, à savoir les magasins physiques, a vu son chiffre d’affaires baisser de 13,4 % sur l’ensemble du canton, tandis que le nombre d’enseignes a diminué de 2,9 %. Dans le district de Lausanne, ce sont même 8,8 % des magasins qui ont disparu en une décennie. Une étude d’impact du commerce de détail réalisée par l’Université de Lausanne confirme certes ce que l’on savait déjà, mais elle en donne l’ampleur et surtout la tendance.

L’institut CREA de la faculté HEC de l’Université de Lausanne a réalisé sur mandat du Trade Club Vaud une étude d’impact de la branche et un bilan de santé qui ne devraient pas laisser les politiques indifférents.
En 2011, le nombre total d’enseignes de commerce de détail dans le canton s’élevait à 5344, dont 1271 dans le district de Lausanne. Dix ans plus tard, ce chiffre est tombé à 5191, et à 1159 dans le district de Lausanne, où 1113 magasins occupaient de 1 à 9 personnes. Entre 2011 et 2020, pour l’ensemble du canton, on observe une diminution du nombre de commerces de 4,2 % dans le secteur non-alimentaire, alors que le secteur alimentaire a bénéficié d’une hausse de 1.5 %. Dansle non-alimentaire, le domaine de l’habillement a accusé une baisse particulièrement marquée, l’effectif passant de 953 à 789 magasins (-17,2 %) entre 2011 et 2020. La contraction la plus marquée est cependant celle du secteur électronique, où la baisse a été de 24,4 % en dix ans.

Poids lourd de l’économie
Le phénomène est d’autant plus préoccupant que la branche est un rouage essentiel de l’économie vaudoise. En 2020, le commerce de détail vaudoise réalisait en effet un chiffre d’affaires total d’environ 8,989 milliards de francs. Cela représente environ une fois et demie celui du secteur de la construction. Et en termes de valeur brute ajoutée, celle du commerce de détail vaudois s’élevait à 2,331 milliards de francs en 2020, se positionnant en quatrième place derrière l’industrie, les activités financières et d’assurance, et la construction.
S’agissant des emplois, le commerce de détail vaudois représentait un total de 28 976 emplois en 2020 (22 232 EPT). « Ce chiffre est relativement grand en comparaison avec les autres secteurs d’intérêt, soulignent les auteurs de l’étude. Il représente environ deux fois et demie (240 %) les EPT du secteur agricole et environ une fois et demie (146 %) ceux du secteur financier. »

Deux facteurs principaux
L’étude considère que deux éléments principaux peuvent expliquer l’érosion constatée entre 2011 et 2020. Le premier est de type conjoncturel, le second, plus préoccupant, de nature structurelle.
La baisse est ainsi particulièrement marquée depuis 2015, année pendant laquelle la BNS a décidé d’abandonner le cours plancher de 1,20 franc pour 1 euro. « L’appréciation du franc suisse a entraîné des conséquences directes sur le secteur du commerce de détail, engendrant une forte augmentation du tourisme d’achat. La demande auprès des détaillants suisses a ainsi connu une diminution importante. Ce ralentissement de la demande a contraint les commerçants suisses à baisser leurs prix, ce qui a impacté directement le chiffre d’affaires nominal. » Et d’ajouter que cela peut expliquer pourquoi la baisse du nombre de commerces a été bien moins prononcée que celle du chiffre d’affaires.

Le second facteur est le développement du commerce en ligne. Chacun sait qu’il a connu une véritable explosion lors de la pandémie. « Ces nouvelles habitudes combinées à une facilité accrue et une augmentation continue de l’offre en ligne, nous font penser que ce phénomène n’est pas temporaire, observent les auteurs de l’étude. La place qu’occupe le commerce en ligne dans le secteur va encore plus s’accroître dans les années à venir. » L’étude estime à 962 millions de francs le chiffre d’affaires du commerce en ligne dans le Canton en 2020. « Cela correspond à une augmentation de 68,5 % depuis 2011. Sur la même période, le commerce stationnaire connait une tendance inverse et s’est réduit de 13,4 % pour atteindre 8,027 millions en 2020. »
S’agissant du district de Lausanne, force est d’admettre que d’autres éléments spécifiques à la capitale vaudoise, objectifs et subjectifs, ont probablement joué un rôle dans la baisse du nombre des enseignes. Celle-ci a atteint 8,8 % entre 2011 et 2020. Elle est proportionnellement la plus importante du Canton, plus marquée que par exemple celle du district de Nyon (-7,2 %), district pourtant particulièrement vulnérable au tourisme d’achat en France voisine.

Nombreux soutiens
Au-delà de ce tableau peu réjouissant, jamais les initiatives de soutien au commerce de détail n’ont été si nombreuses. C’est ainsi que la Fédération Vaudoise du Commerce de détail (FVCD), qui regroupe à ce jour 13 associations de commerce de détail dans le Canton de Vaud, a coorganisé le 5 février à Morges un premier Forum du Commerce de détail. Cette rencontre était destinée à accompagner, par de multiples conseils de spécialistes les personnes s’apprêtant à affronter la véritable jungle que représente l’ouverture ou le maintien d’une enseigne.
Plus largement, le Trade Club appelle à la mise en place d’un outil de veille permanent sur le commerce de détail. Genève par exemple, a déjà franchi le pas. En collaboration avec les milieux économiques, le canton du bout du lac a mis en place un observatoire du commerce. Cette structure à toute personne désireuse d’ouvrir une enseigne ou de faire évoluer la sienne de connaître les caractéristiques d’un quartier donné, de sa population, des magasins existant. Une manière d’offrir une étude de marché et de suivre l’évolution des acteurs en présence sans engager de fonds.