LES ATOUTS DISCRETS DE LA PROSPÉRITÉ

Le Biopôle, situé sur les territoires des communes de Lausanne et d’Epalinges, illustre le potentiel lausannois envié tant en création d’entreprises dans le domaine de l’innovation et de la biotechnologie.

Une stratégie du développement économique repose notamment sur la connaissance des flux générés ou attendus par les acteurs qui y contribuent. Pour l’illustrer, cette édition du magazine d’Economie Région Lausanne (ERL) en a retenu quatre manifestations, quatre des moteurs de la prospérité régionale, dans des domaines généralement peu évoqués : celui de l’urbanisme voué au tertiaire, celui de l’enseignement privé, celui du tourisme, et celui de l’infrastructure à travers l’exemple très particulier qu’est l’aéroport de la Blécherette (pages 7, 10, 15, 17). On pourrait en ajouter bien d’autres, par exemple l’apport économique résultant de la présence de nombreuses organisations sportives internationales et du siège du CIO, estimé à 550 millions de francs pour le seul district de Lausanne.

« La situation économique lausannoise est pour le moment favorable à plus d’un titre » selon la dernière parution de l’Office d’appui économique et statistique (OAES) de la Ville de Lausanne. Et d’ajouter tout de même que cette situation nécessite d’y porter attention et d’en prendre soin. Figurant sur la liste des destinataires de cette vaste étude conjoncturelle pour 2023, l’agence de notation Standard and Poor’s (S&P Global) a amélioré la note qu’elle attribue à la capitale vaudoise, ce qui est une excellente nouvelle dans le climat actuel d’incertitudes. Plus encore, l’OAES constate que le contexte inflationniste actuel ne semble pas pour l’heure se traduire de manière visible.

Au-delà de la notation
L’agence de notation Standard and Poor’s (S&P Global) a salué la bonne gestion financière de la Ville de Lausanne en faisant grimper en juin dernier sa note de A+ à AA-. Une entreprise bien ou mieux notée obtient des taux d’intérêt plus bas lorsqu’elle souhaite faire un emprunt. Plus encore : des considérations positives émises par une agence de notation débordent au-delà des collectivités examinées et sont porteuses d’optimisme sur l’ensemble de l’économie. Dans quelle mesure le check-up encourageant de S&P Global se croise-t-il avec celui réalisé par l’Office d’appui économique et statistique (OAES) de la Ville de Lausanne ? Le survol des principaux relevés de données économiques et démographiques révèle un panorama tout en lumières mais avec quelques ombres.

Avec un taux de chômage de 4 % – en fait plutôt 3,5 % si l’on soustrait les personnes émargeant à l’aide sociale mais figurant à la statistique des chômeurs selon une particularité propre au canton de Vaud –, Lausanne fait nettement moins bien que des villes comme Berne ou Zurich qui en sont à 2 %. Plus précisément, fin juin dernier, selon Vaud Statistiques, 5359 demandeurs d’emploi étaient enregistrés à Lausanne, dont 3119 chômeurs. Nous sommes loin de taux de chômage qui atteignait les 8 % au début des années 2000. La question interpelle lorsqu’elle est considérée face à la pénurie de main-d’oeuvre qui sévit dans de multiples secteurs, mais d’un autre côté, cette forte demande atteste de la vigueur du marché local du travail. Un marché du travail dans lequel les frontaliers jouent un rôle croissant. Leur nombre frôle en effet son plus haut niveau historique, avec 7500 personnes recensées au premier trimestre 2023 à Lausanne, soit plus de 18 % des plus de 26’000 frontaliers travaillant dans le canton.

Lumières…
Autre bonne nouvelle : la fréquentation touristique a retrouvé en 2023 un niveau proche de celui d’avant la crise sanitaire. Avec presque 860 000 nuitées l’an passé, elle se situe cependant assez loin encore de million de 2019. Cette reprise concerne autant le tourisme de loisirs que celui des congrès. Avec une particularité, le nombre des nuitées de visiteurs indigènes a augmenté de 7,9 % par rapport à 2019, soit une augmentation de plus de 30 000 nuitées, dépassant ainsi les 420 000, ce qui est presque autant que les 425 000 nuitées enregistrées en 2018.

La reprise est en revanche plus lente s’agissant des visiteurs étrangers : 163 000 nuitées en moins des presque 600 000 en 2019. Une situation qui reflète celle au niveau vaudois, celle-ci étant cependant en retrait face celle constatée au plan national. Avec un taux de six nuitées touristiques par an et par habitant, le potentiel de croissance de Lausanne face à Lucerne, Lugano ou Zurich est considéré comme important pour compléter le socle traditionnel de tourisme de congrès.

…et ombres
Sans surprise, la situation est plus sombre s’agissant del’évolution du commerce de détail à Lausanne, bien qu’il s’agisse d’une problématique concernant de nombreuses autres villes. Tout de même, à l’aune du nombre d’emplois, si l’OAES rappelle qu’entre 2011 et 2020, la diminution a été de 2,4 % au niveau suisse et de 1,7 % dans le canton de Vaud, cette baisse a été de 11,7 % à Lausanne. Il est vrai que ce fort recul résulte de l’impact de la cessation d’activité d’une entreprise historique de vente par correspondance. Sans cela, la diminution aurait été de l’ordre de 8 %, soit plus modérée qu’à Berne ou Genève.

Comparaison n’est pas raison, mais tout de même, s’agissant toujours du commerce de détail : « A elles seules, sur l’arc de dix ans, les cinq grandes villes de Suisse ont enregistré une perte de l’ordre de 4500 EPT. Les autres 28 villes-centre des agglomérations moyennes ont enregistré une diminution de 3400 EPT. » Tentative d’explication que l’on interprètera comme on voudra : « Les contingences et les particularités locales modulent l’impact de la mutation structurelle que connaît, voire subit, le commerce de détail, sans toutefois contrecarrer la tendance de fond à la baisse. » Autre constat. Seule la moitié des quelque 5000 EPT recensés dans le commerce lausannois en 2020 concernait des entreprises ayant leur siège social sur le territoire communal. Un rapport qui varie fortement d’une ville à l’autre, étant par exemple nettement plus élevé à Lucerne et Zurich qu’à Lausanne.

Création d’entreprises
Le tableau n’est pas si sombre lorsqu’on élargit le regard vers la création d’entreprises dans les secteurs de pointe, de l’innovation et de la technologie. C’est ainsi qu’entre 2016 et 2020, tout types d’activité confondus, les entreprises créées à Lausanne résultent deux fois sur trois des activités d’indépendants. Elles ont généré environ 1300 nouveaux emplois chaque année. D’une manière générale, en chiffres bruts, il s’est créé pratiquement autant de nouveaux emplois à Lausanne qu’à Bâle, mais bien moins qu’à Zurich ou Genève, avec respectivement 4400 et 2500 postes. A noter toutefois que par rapport au nombre d’habitants Lausanne fait presque aussi bien que Zurich.

En définitive, si la situation de Lausanne n’est pas si mauvaise. Cela grâce à sa position de force dans le secteur de la santé, du médico-social et de la biotechnologie. La Ville de souligne avec raison que « son écosystème scientifique et technique, stimulé par un pôle académique d’envergure internationale regroupant des institutions prestigieuses telles que l’EPFL, l’UNIL, l’EHL, l’ECAL et l’IMD, favorise l’émergence d’entreprises aux perspectives mondiales ».

Handicap structurel
Sur le terrain, si Lausanne bénéficie d’un écosystème scientifique et technique favorisant l’émergence d’entreprises aux perspectives internationales, ainsi que d’atouts touristiques enviables, elle se doit de renforcer son attractivité dans ces deux domaines. Telle est la mission de l’unité municipale créée l’an passé, dédiée au développement et à la promotion de la ville. De fait, la commune, sur le point de franchir le cap des 150 000 habitants, pâtit d’un rapport défavorable emplois/habitants dans le privé, ainsi que d’une capacité contributive tant des personnes morales que des personnes physiques qui n’est pas à la mesure de sa position de 4e plus grande ville de Suisse.

Profil de spécialisation économique à Lausanne en 2020.