BRANLE‑BAS DE COMBAT POUR LA FÊTE FÉDÉRALE DE GYMNASTIQUE

À événement extraordinaire, logistique extraordinaire. Toute la ville pratiquement mobilisée pour l’accueil des participants, gymnastes et public

La tension monte, le compte à rebours est lancé pour accueillir ce qui se profile comme la plus grande manifestation polysportive populaire jamais organisée à Lausanne, considérée comme l’une des plus importantes au monde en termes de participation dont c’est la 77e édition. La logistique de cet événement XXL devra être à la hauteur face aux quelque 70 000 gymnastes et près de 300 000 visiteurs et visiteuses attendu(e)s du 12 au 22 juin prochain, afin de maximiser des retombées positives sur l’économie locale et le tourisme, difficiles à anticiper mais néanmoins réelles. Le défi est de taille, d’autant plus que s’il s’agit d’une grande rencontre sportive, une Fête fédérale de gymnastique, c’est aussi… une grande fête, dans tous les sens de l’expression, avec tout ce que cela implique notamment en matière de sécurité.

Une Fête fédérale de gymnastique, c’est, en moyenne, tous les six ans et sur huit jours, quelque 60’000 participant(e)s, dont plus de 15’000 jeunes entre cinq et seize ans, ainsi que 100’000 spectateurs et spectatrices. La dernière en date, tenue en juin 2019 à Aarau, a fait sauter les compteurs, avec près de 70’000 participant(es) et 200’000 visiteuses et
visiteurs – dont 45’000 pour dernier week‑end – soit six fois plus de monde que pour des JO d’été. Celle de Lausanne, qui doit avoir lieu du 12 au 22 juin prochain, se prépare à recevoir encore davantage de monde et compte sur plus de 4’000 bénévoles venant de toute la Suisse.

Le choix de Lausanne résulte de l’initiative de l’Association Vaudoise de Gymnastique (GYMVAUD) souhaitant voir cette manifestation revenir en Suisse romande – la dernière fois remonte à 1978, à Genève. Mais étant donné l’ampleur de l’événement, aucune de ses semblables ne se montra intéressée. Il apparut que seule la région lausannoise disposait des infrastructures sportives et d’accueil nécessaires. Soutenue en 2017 par la municipalité de la Capitale olympique, cette candidature fut acceptée l’année suivante lors de l’assemblée générale de la FSG à son siège à Aarau.

Une association a été créée par la Ville, Lausanne Tourisme et GYMVAUD pour la partie infrastructure et animation, la partie technique de la manifestation étant organisée par La Fédération Suisse de gymnastique (FSG). Rappelons au passage que c’est à Lausanne que se trouve la Fédération internationale de gymnastique (FIG), qu’il s’agit de l’un des trois sports majeurs des Jeux Olympiques avec l’athlétisme et la natation.

Aucun parking dédié ne sera aménagé, ce qui en l’occurrence constitue une première. Lausanne 2025 se veut un « laboratoire de la durabilité ». Cette décision communale radicale qu’on espère non pénalisante se fonde tout de même sur l’expérience de la fête à Aarau, où lors de cette dernière édition de tels aménagements avaient utilisés au maximum par un millier de voitures. De fait, l’expérience a montré que plus de 90 % des participants, athlètes et accompagnant(e)s, se rendent en train sur les lieux d’une Fête fédérale de gymnastique. Pour cette édition lausannoise, 80 trains supplémentaires leur seront entièrement réservés… en souhaitant que le secteur de la Gare CFF de Lausanne fasse quelques efforts pour atténuer l’image déplorable qu’il offre aux arrivants. L’ouverture de la fête est prévue à l’esplanade de Montbenon, la cérémonie de clôture au Stade de la Tuilière. L’un des points culminants sera le grand cortège dans les rues de Lausanne, avec les bannières de quelque 2’300 sociétés de gym présentes. Ou encore le show Gymagine, spectacle immersif de gymnastique et de musique à la Vaudoise Arena avec les meilleur(e)s gymnastes suisses, des athlètes internationaux ·ales, les 20 et 21 juin.

La Fête fédérale de gymnastique 2025, ce sera des concours et démonstrations dans une multitude de disciplines : gymnastique artistique, rythmique aux agrès, trampoline, mais aussi athlétisme, volleyball, unihockey, parkour, danse ou aérobic. Du nord au sud et d’est en ouest, pratiquement tout Lausanne sera investi. La ville sera divisée en quatre quartiers. Les quartiers Lac, Ville et Nord accueilleront compétitions sur plus de trente sites : Stade de la Tuillière, Stade olympique de la Pontaise, Palais de Beaulieu, Vaudoise aréna, piscine de Bellerive, esplanade de Montbenon, salles de gymnastiques de établissements scolaires ainsi qu’autres places et parcs. Le quartier Fête, de la place de la navigation à celle de Bellerive, ouvert à tout le monde, sera le coeur festif de l’événement, avec notamment des concerts et des espaces de restauration.

Logistique XXL
Si tous les participants ne sont certes pas présents en même temps – certains ne restent qu’une journée – il s’agit d’assurer l’hébergement de dizaine de milliers d’athlètes et d’accompagnants. Les organisateurs estiment à 77’000 le nombre de nuitées, dont environ 53’000 dans un camping aménagé sur 71’000 m2, accessible à pied depuis le quartier Fête, et où un certain nombre de tentes sont mises à disposition des personnes venues sans ce matériel. Les abris PC, ainsi que les salles de gym des établissements scolaires (23’000 places), sont mis à contribution, et un millier de nuitées hôtelières sont attendues.

Assurer la subsistance de tout ce monde est l’un défis majeurs d’un tel événement. Les organisateurs estiment à plus de 50’000 le nombre de repas spécifiques qui seront commandés sur les sites par les participants, et à 25’000 ceux pour les bénévoles, juges et organisateurs. Cela bien sûr sans compter les repas qui seront servis dans les restaurants lausannois.

Autre défis : la sécurité et la santé. Comme rappelé ci-dessus, une Fête fédérale de gymnastique, c’est aussi une grande fête tout court, avec tout ce que cela peut comporter de débordements sur les sites mêmes et à l’extérieur. Des sociétés privées de sécurité sont engagées notamment pour la surveillance nocturne. S’agissant de la santé, hormis les postes sanitaires sur les sites, desservis notamment par les samaritains et l’armée, les centres ambulatoires lausannois et le CHUV risquent évidemment d’être sur la brèche. C’est au camping – près de 20’000 jeunes entre 15 et 20 ans – que la prévention doit se montrer particulière active et vigilante.

Le financement
Les gymnastes paient pour prendre part à la fête fédérale. Ils le font en acquérant une « carte de Fête ». Pour 178 francs par adulte et 70 francs pour les jeunes jusqu’à 18 ans, ils obtiennent : la participation aux concours, deux aller‑retour en train depuis leur domicile, les transports publics vers les aires de concours et d’hébergement, l’accès aux events, à la piscine de Bellerive, ainsi que le pass culturel lausannois. Les supporters peuvent bénéficier des mêmes prestations de transport et de loisirs pour 79 francs.

La vente des cartes de fête, avec la gastronomie, le sponsoring, dons et soutiens divers, sont les principales sources de financement de cette manifestation dont le budget équilibré a été estimé à 25 millions de francs.

La Ville de Lausanne et le Canton se sont engagés à subventionner l’événement chacun à hauteur de 500’000 francs ainsi qu’à accorder des couvertures de déficit éventuel d’un même montant, en espérant que cette édition lausannoise fasse aussi bien que la dernière à Aarau en 2019, dont le résultat financier a été positif. Aucune subvention ni couverture de déficit éventuel de la part de Confédération, au motif que les fêtes fédérales ne sont pas considérées au yeux de la loi comme des manifestations sportives, mais mise à disposition de ressources de l’armée dans le domaine sanitaire et du montage/démontage des installations.

PRÉLUDE EN BEAUTÉ À MALLEY
À l’aube du grand rassemblement de la Fête fédérale de gymnastique, Lausanne a accueilli en janvier dernier à la Vaudoise Arena Gymotion, le plus grand spectacle de gymnastique de Suisse. De quoi lancer en beauté l’année de la gymnastique en Suisse, à Lausanne tout particulièrement. Organisé par la Fédération suisse de gymnastique (FSG), cet événement emblématique et rassembleur de la gymnastique de société et du sport d’élite se déroulait pour la première fois en Suisse romande, qui plus est dans la Capitale olympique. Les précédentes éditions s’étaient toutes tenues, depuis leur création en 2009, au Hallenstadium de Zurich.

À Gymotion, les meilleurs clubs de gymnastique du pays – une quinzaine pour cette édition 2025 – se produisent devant un large public. Pas de compétition ici, mais des démonstrations époustouflantes articulées en tableaux rythmés illustrant les multiples facettes de ce sport. Quelque 11 000 spectateurs et spectatrices en deux séances ont été enthousiasmé(e)s par les évolutions de près de plus de 500 gymnastes venus de tout le pays.

Mise en scène spectaculaire à 360 degrés, scènes volantes, chorégraphie sur de la musique en live, chanteurs, light show et éclairages sophistiqués… Gymotion ne représentait pas seulement un défi logistique pour les organisateurs, mais, à Lausanne, a une fois de plus démontré la modularité et la capacité de la Vaudoise Arena à se transformer en gigantesque salle de spectacle : plancher isolant installé sur sa surface de glace demeurant intacte, partie debout lors des matches convertie en sièges, installations suspendues au plafond, etc.

Lausanne, été 1951. Remise de la bannière en présence du Général Guisan lors de la dernière Fête fédérale de Gymnastique organisée dans la capitale vaudoise.

UNE PAGE D’HISTOIRE
La Fête fédérale de gymnastique est la plus ancienne et la plus grande manifestation de sport populaire de Suisse. Elle a été créée en 1832 à Aarau, pour célébrer les bienfaits de la pratique grandissante de la gymnastique pour tous à l’échelon national.

Les dix-huit premières éditions se sont toutes déroulées dans des villes en Suisse alémanique, avant de mettre en pratique le principe de n’oublier, au gré des villes intéressées, aucune région du pays. D’abord annuels, ces rassemblements de gymnastes se sont progressivement espacés pour des raisons de logistique étant donné leur ampleur grandissante. Depuis 1967, la Fête est célébrée tous les six ans. L’édition 2025 sera sa première réapparition en Suisse romande depuis 47 ans, la dernière romande ayant eu lieu en 1978 à Genève. Lausanne l’avait accueillie à quatre reprises, en 1855, 1880, 1909 et 1951. Dès 1874, la Fête s’était clairement associée à des valeurs patriotiques, lorsque l’éducation physique était devenue obligatoire pour les garçons en âge de scolarité en vue de leur service militaire. Selon le Dictionnaire historique de la Suisse, cette quasi militarisation avait atteint son apogée en 1940.

Exercice d’ensemble lors de la Fête de 1951, lorsque régnait encore une certaine raideur martiale. Du 13 au 16 juillet, 22’000 gymnastes masculins (1317 sections) et 11’000 gymnastes féminines (616 sections) avaient pris part à la Fête.

Il a fallu attendre le début des années septante pour que disparaisse la raideur martiale de l’événement, au profit de mises en scènes chorégraphiques en parallèle des compétitions. Et ce n’est qu’en 1996, à Berne, que les femmes ont fait leur entrée dans la Fête. Affectueusement qualifiée de « Jeux olympiques du sport de masse », la Fête fédérale de gymnastique n’a jamais failli à sa mission de contribuer à la consolidation sociétale de la Confédération.