Des transports publics efficaces dans un concept de mobilité équilibré font plus que jamais partie intégrante des conditions cadres pour le développement économique. À quelque chose malheur est bon. Le Canton a mis à profit le retard considérable dans la réalisation du m3 induit par le gabegie de la transformation de la gare CFF à laquelle il est lié. Initiée au printemps 2023, une démarche d’optimalisation du futur métro recommande une modification fondamentale du tracé. Il ne passera désormais pas par l’interface du Flon. Les arguments avancés laisse perplexe dans la mesure où ils réfutent un choix initial qui se serait avéré trop complexe, moins intelligent, géologiquement risqué et très coûteux. Il demeure que le coût global (m3 + m2 amélioré) est aujourd’hui estimé à deux milliards de francs, soit près du double d’un montant indiqué en 2018. Cela avec un calendrier encore flou étant donné les nouvelles étapes administratives, politiques et financières à franchir.
Pour rappel, la réalisation du futur m3 et le développement du m2 et sont des affaires cantonales. La Commune de Lausanne et les tl en sont bien sûr les partenaires très écoutés, mais les décisions stratégiques et financières sont du ressort du Grand Conseil. La Ville a un rôle d’accompagnement, essentiellement pour l’aménagement des espaces publics liés à ces réalisations. Cela n’empêche pas son conseil communal de relancer des débats de fond. Ce fut le cas en juin dernier sous la forme d’interpellations, à la suite de l’annonce par le Conseil d’Etat d’un m3 qui filera directement de la Gare CFF à Chauderon, par une nouvelle trajectoire ne passant plus par l’interface du Flon, et qui dès lors, contrairement au projet présenté en grande pompe en 2019, ne viendra pas doubler le m2 en limite de capacité sur ce premier tronçon.
La démarche d’optimalisation lancée l’an passé par le Canton et ses partenaires a donc conduit à une véritable refonte du projet initial, ce dernier étant désormais considéré comme obsolète et trop risqué techniquement et financièrement avant même le premier coup de pioche. Cette reconsidération n’aurait probablement pas eu lieu si les CFF et l’Office fédéral des transports (OFT) n’avaient décidé en mars 2023 de revoir complètement les plans de la plate forme ferroviaire de la gare de Lausanne. Ce qui renvoie, au mieux, à une mise en service complète en 2037, alors que la fin du chantier fut jadis annoncée pour… 2025. Cela laissait donc un peu de temps au canton à mettre à profit pour s’assurer de revoir les plans afin de s’assurer de retenir le meilleur choix qui soit. Accompagnée par un comité de pilotage avec à sa tête Olivier Français, une taskforce de réorientation du développement des m3 et m2 poursuivait dès lors plusieurs buts. Le révision du coût final n’en était pas le moindre. Le Conseil d’État se réjouit que « les différentes mesures permettent de réduire l’estimation des coûts de 370 millions de francs et ainsi d’atteindre une enveloppe totale de 2 milliards pour les réalisation du m3 et la modernisation du m2 ». Pour rappel, il s’agit tout de même de près du double du montant estimé en 2018, et près de trois plus des estimations antérieures. Les raisons de cette explosion du coût plus ou moins prévisible sont multiples, telles que la complexité manifestement sous-estimée du projet, l’évolution des normes et l’allongement des procédures.
Pour rappel, le projet initial comportait le percement d’un nouveau tube pour le m2 entre la gare et le Flon, à l’ouest du tunnel l’actuel. Le m3 quant à lui aurait utilisé l’actuelle station Gare CFF, filé vers ses destinations d’abord sur l’ancien tronçon du m2 jusqu’au Flon, puis dans son propre tunnel. De plus, il était prévu que les deux lignes se croisent en sous-sol. Abandonner ces idées est certainement une bonne chose, tant sur le plan technique que financier.
Le m2 conserve donc son tunnel actuel. Les deux lignes ne seront donc plus enchevêtrées, mais physiquement complètement déconnectées l’une de l’autre. Le m3 aura sa propre station terminus Lausanne Gare à l’ouest. Cela implique de renoncer à un autre tunnel, celui prévu sous la gare CFF qui devait permettre aux deux lignes de se rejoindre en direction d’Ouchy, renoncement qui implique une modification des plans des CFF. Ces modifications de tracé ont aussi des conséquences salutaires pour l’exploitation, car le percement d’un nouveau tunnel pour le m2 aurait nécessité une interruption du service pendant de nombreux mois voire des années.
Nouveau pôle de mobilité
Le nouveau projet fait davantage que limiter les risques d’une version initiale qui aurait pu s’avérer problématique. Le m3 ainsi repositionné l’est aussi s’agissant de l’organisation de l’offre de transports publics lausannois. En supprimant le passage par l’interface du Flon pour rallier directement Chauderon depuis la Gare CFF par un tunnel profond, le futur métro représente une opportunité de donner un nouveau souffle à la place Chauderon, dont l’assise de la station devra certes être stabilisée.
Chauderon sera promu troisième pôle principal de mobilité avec interface entre m3, LEB, BHNS (Bus à Haut Niveau de Service) et tram, au côté de celui du Flon avec le m1, le m2, le LEB et le tram, ainsi que bien sûr celui de la Gare CFF avec le m2, m3, train et bus. « Cette nouvelle variante offrira de bien meilleures connexions que le projet initial au Flon avec un accès plus court à la gare de Lausanne, promet le Conseil d’État. Le temps de parcours entre Blécherette et la Gare sera également réduit. »
Et d’estimer qu’à terme, ce seront plus de 90 000 passagers par jour qui débarqueront ou embarqueront à Chauderon, soit autant qu’au Flon. À noter que l’interface du Flon demeurera tout de même la plus pratique et la plus logique pour le transbordement facilité vers le tram ainsi que vers le m1 notamment, avec ses pointes de fréquentation vers et depuis les hautes-écoles.
Le m2 d’abord
Si chacun s’accorde à espérer une mise en service du futur m3 d’ici 2037, c’est aujourd’hui l’essoufflement du m2 qui devient préoccupant. Sa modernisation est considérée comme prioritaire sur le m3. Depuis sa mise en service en 2009 et avec une parenthèse lors de la crise sanitaire, cette artère principale des transports publics lausannois bat chaque année des records de fréquentation et véhicule actuellement quelque 115’000 personnes par jour. Conçu pour 25 millions de voyageurs par an, le m2 en transportera près de 37 millions cette année. Cette sur sollicitation accélère l’usure, les pannes se font plus fréquentes, les situations inconfortables se multiplient. Le renouvellement de ses automatismes et la commande de nouvelles rames doivent être entrepris sans délai afin d’assurer la qualité de service et offrir davantage de capacité par une augmentation de la cadence, potentiellement jusqu’à 1’20’’ contre 2’10’’ actuellement. Le financement et le calendrier de ces opérations devraient être prochainement précisés. Et à plus long terme, il est souhaité le doublement des voies dans le tunnel qui passe sous la gare, pour autant que cela soit compatible avec la transformation de cette dernière.
Le Conseil d’état propose, le Grand Conseil dispose. Les crédits nécessaires devront être rapidement acceptés pour tenir des délais acceptables. Le financement fédéral selon le projet d’agglomération est actuellement acquis « avec un début des travaux d’ici 2025 pour le tronçon Flon-Blécherette, et d’ici décembre 2027 pour le tronçons Gare-Flon ».
UN TRAM PAS COMME LES AUTRES
La construction du tram 1 avance à grands pas. Cette ligne de 4,6 kilomètres qui reliera Lausanne-Flon et Renens-Gare en dix stations et quinze minutes se caractérise par une particularité unique en Suisse pour ce mode de transport public. Le t1 sera le premier tram du pays à circuler sur des voies à écartement standard de 1,435 mètre, soit le même que celui des CFF. Les autres trams, à Genève, Berne, Bâle ou Zurich, ou encore le LEB, roulent sur une voie plus étroite, dite métrique, soit 1 mètre entre les rails.
Ce choix a nécessité une homologation spécifique de l’Office fédéral des transports (OFT). Il résulte du fait qu’à la différence des trams tels qu’on les connaît, par exemple celui de Genève, le t1 ne circule pas à travers les rues fréquentées d’un centre-ville. Sa trajectoire très tendue lui permet aussi de disposer de davantage de place. Ce choix de la voie ferroviaire standard, s’il permet par ailleurs une meilleure stabilité des rames, en autorise de plus larges, offrant davantage de capacité.
Construites par le groupe suisse Stadler à la suite d’un appel d’offre à l’international, les rames du t1 mesurent 45 mètres de long et 2,65 mètres de large. Ce gabarit est le maximal existant sur le marché. Il permet d’accueillir jusqu’à 300 voyageurs, soit trois plus qu’un trolleybus classique.
Dix rames doivent être livrées en 2025 pour permettre les premiers tests du côté de Renens. Deux rames supplémentaires viendront plus tard, lorsque la ligne sera prolongée jusqu’à Villars-Saint-Croix. D’ici là, une dizaine de futurs conducteurs devraient avoir été formé à Genève, où la densité du réseau est assurément une bonne école pour obtenir son permis de conducteur de tram. Si tout continue à se dérouler comme prévu, l’inauguration devrait avoir lieu en 2026.