Lausanne-ville-en-pente regorge de pépites d’aménagement urbain invitant à la visiter ou à la parcourir à pied, avec ou sans détours éreintants. Ponts, ascenseurs publics ou semi-publics, escaliers et passerelles rendent plus agréable et originale la déambulation contemplative ou contrainte. Autant de facilités plus ou moins connues et utilisées par les familiers des lieux, et qui méritent d’être mieux mises en valeur.
Bâtie sur trois collines, Cité, Bourg et Saint-Laurent, avec une dénivellation de 120 mètres entre le port d’Ouchy et le centre-ville, la capitale vaudoise est une cité qui se mérite pour qui l’explore à pied. Ne disait-on pas jadis que c’est ici que les femmes ont les plus jolis mollets…
Trois ponts imposants, Bessières, Chauderon et Grand- Pont, permettent certes d’éviter de descendre dans les vallons façonnés par des rivières aujourd’hui enfouies et de remonter de l’autre côté. Mais au fil des ans, de nombreux aménagements ont été apportés pour faciliter la vie des gens se déplaçant à pied, évolution désormais en parfait accord avec la volonté politique d’encourager et favoriser la mobilité douce.
Pour garder la forme…
Si vous considérez qu’il n’y a rien de tel que les escaliers pour entretenir sa forme, alors Lausanne vous comblera. En mai dernier, la Ville organisait une balade sur ce thème des escaliers, guidée par le délégué aux piétons, Pierre Corajoud. Au centre-ville, ceux du Grand-Pont, côté Saint-Laurent et côté Grand-Chêne, sont exigeants mais toniques. Ils n’ont cependant rien à envier par exemple à ceux entre Bel-Air et le quartier du Flon. Ou encore aux escaliers Perdonnet entre l’avenue du Tribunal-Fédéral et la place de l’Ours, ceux entre Bessières, dont celui des Grandes Roches qui mène à la Cité, plutôt sportif, puis le plus beau, conduisant à la Cité également, depuis la rue de la Mercerie. Et plein d’autres encore. Bref, à Lausanne, il y a donc l’embarras du choix de ce côté-là.
Les raccourcis malins
Embarras du choix aussi pour les gens pressés mais pas au point de vouloir ou pouvoir s’essouffler. Plusieurs passerelles piétonnes permettent à la fois de gommer des déclivités, d’éviter des détours ou de découvrir des points de vue intéressants. La plus visible est celle qui relie le Grand-Pont au Grand Chêne, avec perspective plongeante sur la voie principale du quartier du Flon et ascenseur vers la place de l’Europe. Vue imprenable aussi sur la rue de Genève depuis la passerelle reliant en hauteur Chauderon au quartier du Flon avec aussi à cette extrémité un ascenseur. Un ascenseur parmi de nombreux autres : le livre « 111 lieux à Lausanne à ne pas manquer » en a recensé 23 qui contribuent à niveler la ville. Et de mentionner que le record est détenu par le bâtiment de la Haute École de Santé Vaud, à César-Roux, où, du sommet de ses cinq étages, une passerelle vertigineuse, avec une hauteur de 24 mètres, permet de relier le quartier à celui des hôpitaux.
Une bonne vingtaine d’ascenseurs sont donc accessibles au public et il s’en construit toujours de nouveaux. Cela sans compter la particularité des grands magasins ou centres commerciaux du centre-ville (Globus, Métropole 2000, Fnac, Manor) dont les accès ne donnent pas seulement sur plusieurs rues, mais aussi sur plusieurs niveaux.
LA BALADE DES PAVÉS LAUSANNOIS
Rarement remarqués par les passants, les pavés font partie de l’Histoire et du patrimoine de la ville. Il y en a des millions… Rues et places totalisent quelque 37 500 m2 de pavage traditionnel. C’est plus de trois fois la superficie d’un terrain de foot le plus grand. Pour les gourmands, plusieurs confiseurs locaux les ont déclinés en chocolat : Pavés Toni au kirsch de Manuel, Pavés Grand Cru de la Chocolatière, Pavés Glacés de Christian Boillat, etc.
Pour les amateurs de découverte, la Ville propose trois fois par an la « Balade des pavés », promenade thématique permettant de découvrir Lausanne sous un angle original et d’en savoir plus sur ce type de revêtement remontant au Moyen-Âge, dont les plus anciens pavés, dits « boulets », se trouvent au pied de la cathédrale. Par ailleurs, une série de pavés argentés, numérotés de 1 à 29, ont été disposés à divers endroits de la ville, indiquant le tracé d’une promenade thématique originale.
Lausanne est une des rares villes à disposer d’une équipe de paveurs tout au long de l’année. Le travail ne manque pas, notamment pour éviter le déchaussement des pierres, les joints se creusant au fil du temps. Anachronique en apparence, le maintien du pavage, deux fois plus solide que le goudron, facile à retirer en cas de travaux, est un moyen efficace pour permettre l’infiltration des eaux de pluie et par là une diminution du risque d’inondation.
Parole de maître paveur
Daniel Jordan, maître paveur, a créé il y a une douzaine d’années sa propre entreprise de pavage à Corcelles-le-Jorat, après plus de trente ans de pratique à la Ville. « J’ai quitté Lausanne parce qu’à la fin, avec mes responsabilités, j’étais dans les bureaux, alors que c’est le travail de terrain qui m’intéresse », explique-t-il. Le moins qu’on puisse dire est que Daniel Jordan connaît ce métier dans lequel il a formé une bonne quinzaine d’apprentis à Lausanne, puis trois depuis qu’il s’est mis à son compte.
La capitale vaudoise le mandate de temps à autre, car elle exige qu’après toute fouille le pavage doit être réalisé par un maître paveur. « Le métier est toujours le même, juste avec quelques nouvelles normes, rappelle-t-il C’est un métier passion, assez pénible, à l’air du temps qu’il fait. Il faut une bonne forme physique. » Le métier de paveur, sanctionné par un CFC en trois ans, peine à recruter de nouveaux apprentis. Il n’y en aurait qu’une dizaine pour toute la Suisse. Cela s’explique en partie par le fait que les cours professionnels, pratique et théorie, sont centralisés en Suisse alémanique – même s’il y a sur place une traduction –, à la gravière d’Alpnach d’où proviennent principalement les pavés lausannois.