DES ZONES TOURISTIQUES POUR FAVORISER L’ATTRAIT DES VILLES

L’éternel débat des ouvertures dominicales rebondit avec un projet de révision d’Ordonnance fédérale relative à la loi sur le travail (OLT 2) permettant l’ouverture le dimanche de magasins dans des quartiers touristiques à définir dans des villes de plus 60 000 habitants. Les associations faîtières vaudoises de commerce approuvent le principe, mais rejettent le projet tel que proposé en raison de ses complications pratiques. La Ville de Lausanne s’y oppose également, considérant plutôt que cela entraînerait une difficile renégociation de la CCT, et d’autre part que son règlement communal permet notamment plus de six mois par an d’ouverture des commerces dans le quartier d’Ouchy.

Le nouveau cadre légal proposé par le Conseil fédéral découle de la volonté du Parlement de favoriser le tourisme dans les centres urbains, non plus seulement dans les stations touristiques de montagne, ou dans les gares CFF et les stations-service.

Les dispositions proposées concernent les villes comptant plus de 60 000 habitants, soit actuellement Zurich, Genève, Lucerne, Bâle, Lausanne, Berne et Lugano. Les dérogations prévues à une autorisation de travail du dimanche s’appliqueraient à des quartiers qu’il appartiendrait cas échéant aux cantons de désigner. À Lausanne, le secteur Saint-François et rue de Bourg pourraient par exemple en faire partie.

Assouplissement nécessaire
Le Trade Club Vaud a pour membres une douzaine de grandes enseignes, dont Coop et Migros. La Fédération vaudoise du commerce de détail (FEVCOM) rassemble autant d’associations de commerce de détail sur le territoire vaudois, comme la Société coopérative des commerçants lausannois (SCCL).

Les deux entités font observer qu’« au cours de ces dernières années, le tourisme de villes n’a cessé de progresser, mettant en lumière le tourisme d’affaires et de loisirs ». Elles considèrent qu’il est essentiel de réfléchir à des solutions afin de rendre les centres-villes des agglomérations suisses beaucoup plus attrayants et plus compétitifs pour la clientèle internationale, mais également nationale. Que cela passe non seulement par des offres intéressantes en matière de loisirs, culture et gastronomie, mais aussi par des possibilités d’achats variés, sept jours sur sept et sans restriction d’assortiment, comme c’est le cas dans de nombreuses villes européennes.

Trade Club Vaud et FEVCOM soulignent par ailleurs la nécessité d’un assouplissement compte-tenu aussi du changement structurel que connaît le commerce de détail, de la concurrence numérique frontalière et de la cherté du franc suisse.

Un projet kafkaïen…
Pour autant, les deux groupements rejettent le projet tel que proposé. Ils estiment que le diable se cache dans la mise en œuvre de certaines de ses dispositions. Force est d’admettre que le nouvel article 25a de l’OLT 2 tel que soumis à consultation comporte des conditions d’application propres à limiter sa portée, voire à le vider de sa substance.

Non seulement seules les villes de plus de 60 000 habitants peuvent prétendre à cet assouplissement, mais la part des hôtes étrangers doit y représenter au moins 50 % des nuitées, ce qui ne tient pas vraiment compte de la part des touristes de passage… Plus encore. Le législateur a retenu que ces commerces éligibles doivent y proposer une offre orientée vers les besoins du tourisme international, qu’une grande partie de leur chiffre d’affaires doit provenir de ce secteur. Le Trade Club Vaud et la FEVCOM estiment que cette part proposée à 50 % devrait être réduite à 30 %. Ils craignent qu’une limitation de l’assortiment ne favorise pas la relance du commerce urbain, et doutent avec raison de la possibilité de contrôler le chiffre d’affaires de tous les magasins en fonction de l’origine des consommateurs.

Lausanne, cas à part…
Consultée par l’intermédiaire de l’Union des communes vaudoises (UCVD), la Ville de Lausanne avance d’autres arguments pour expliquer son rejet pur et simple de ce projet. Elle rappelle en premier lieu qu’elle est la seule commune de Suisse au bénéfice d’une convention collective de travail (CCT) avec force obligatoire dans le commerce de détail : « La possibilité du travail du dimanche sans autorisation dans les quartiers touristiques impliquerait dès lors la renégociation de la CCT avec tous les partenaires (relevons que les syndicats sont de longue date opposés au travail dominical). » D’autre part, la capitale vaudoise estime que son règlement communal sur les heures d’ouverture et de fermeture des magasins permet déjà des ouvertures dominicales, sous certaines conditions. C’est le cas notamment dans le quartier d’Ouchy, où chaque année les commerces peuvent être ouverts du 1er avril au 15 octobre.

Par ailleurs, les dérogations actuelles concernent des magasins exclusivement tenus par les propriétaires, les gérants, et cas échéant, les membres de la famille en ligne directe du propriétaire s’il s’agit de magasins familiaux. D’une manière générale, la Ville de Lausanne redoute que la définition des commerces du projet de révision soulèverait d’importantes difficultés pratiques et entraînerait une distorsion de la concurrence.