LA PRESSION MONTE SUR L’ÉVOLUTION DU MÉTRO M1

La fréquentation du m1 a passé la barre de 15 millions en 2024, soit plus du double qu’en 1991, avec une saturation totale aux heures de pointe.

On ne sait toujours pas comment faire évoluer cette ligne à bout de souffle aux périodes de pointe en considérant son intégration urbaine, son interaction avec le réseau routier et sa complémentarité avec les autres modes de transport. Selon la conseillère d’État Nuria Gorrite, qui répondait en janvier à la question d’un député, aucun consensus n’en encore été trouvé entre le Canton et les communes de l’ouest lausannois concernées sur le manière d’adapter le m1 aux réalités territoriales d’aujourd’hui. Or en lançant en 2020 une étude exploratoire dotée d’un crédit d’un million de francs, le Canton espérait un début des travaux en 2028. Il faudra attendre au moins jusqu’en 2032. Le rapport du PALM 2025 (Projet d’agglomération Lausanne-Morges) dont dépendent les subventions espérées de la Confédération, place quant lui à l’horizon d’une réalisation « dès 2036 ».

« L’étude exploratoire n’a pas permis d’atteindre au résultat souhaité, a expliqué Nuria Gorrite devant le Grand Conseil. Les questions portent principalement sur l’intégration urbaine de la ligne, les tronçons qui devraient être dénivelés, ce qui impliquerait leur démolition et reconstruction. Les variantes que nous avons sur la table ont des coûts qui vont potentiellement du simple au double, bien au-delà d’un milliard de francs, ceci pour un projet qui doit être une évolution d’une infrastructure existante ».

L’étude commandée par le Canton était destinée à recenser les améliorations possibles. Selon le rapport PALM 2025, celle-ci a confirmé le maintien du tracé actuel, ainsi que son mode d’exploitation ferroviaire : « L’orientation de base retenue consiste à adapter la ligne pour permettre la circulation de trains plus longs et augmenter la capacité de l’ordre de 50 %, ce qui est nécessaire à moyen/long terme ». Et d’ajouter que « la stratégie d’évolution du métro m1 et ses modalités de mise en œuvre seront précisées lors de la prochaine génération du PALM ». Comprenez : dans quelques années. C’est le moins qu’on puisse dire.

Le tracé du m1, truffé de passages à niveaux, est un véritable parcours du combattant à travers l’ouest lausannois.

Le PALM 2025 doit être déposé ce printemps auprès de la Confédération pour évaluation, afin d’obtenir un cofinancement d’un maximum des mesures infrastructurelles qu’il propose. Il y en a 176 dans cette nouvelle mouture. Elles sont énumérées dans un vaste tableau, dotées d’un degré de priorité de A à C, indiquant une mise en œuvre prévisible respectivement en 2028‑2032, 2033‑2036, ou « dès 2036 ». Le « développement à long terme du m1 » y est colloqué en priorité C, sans aucune estimation des coûts qu’il pourrait engendrer, tandis que la construction du m3 et le lifting du m2 figurent en priorité A.

D’hier à aujourd’hui
Dans l’Ouest lausannois, il y a d’un côté le développement des hautes-écoles, dont la construction en cours du Campus Santé qui dans moins de deux ans accueillera quelque 4’000 usagers ainsi que des logements pour étudiants. De l’autre, il y a des quartiers d’habitation et d’activités qui poussent comme des champignons ou sont en projet tel que les Prés-de-Vidy. Or le m1, élément clé depuis 1991 de la stratégie régionale d’infrastructures de mobilité, est à bout de souffle depuis de nombreuses années.

Faire évoluer le m1 n’est pas simple étant donné son insertion désormais étroite dans le tissu urbain.

Ouverte il y a plus de trente ans, ni vraiment train, métro ou tram mais un peu des trois – des mauvaises langues disent qu’elle cumule les inconvénients des uns et des autres –, cette ligne reliant Lausanne-Flon et Renens-Gare CFF, fut pionnière du genre en Suisse. Sa justification première était la desserte de l’Unil et de l’Epfl en constantes expansion. Au fil des ans, c’est une vaste partie de l’ouest lausannois qui s’est densifiée et en bénéficie.

Le projet avait connu une gestation empreinte de tiraillements, car il était notamment en concurrence avec le développement des trolleybus. La réalisation de ce système de transport planifiée dans les années huitante avait coûté, matériel roulant compris, plus de 190 millions de francs, dont 47 % payés par le Canton, 30 % par la Confédération, 11 % par les communes de Chavannes, Ecublens, Lausanne et Renens , 7 % par la société Tsol SA créée à l’époque et absorbée en 2012 par les tl, et 5 % par les tl.

Le succès fut immédiat, mais l’exploitation de ces 7,9 kilomètres en quinze stations et quinze passages à niveaux routiers/piétonniers gardés plus quatre piétonniers gardés a rapidement été confrontée aux contraintes résultant du système adopté. Choisi pour des raisons financières, le principe prudent et largement critiqué de la voie unique avec croisement à la plupart des stations complique l’absorption des retards lorsqu’une rame en sens opposé est retenue à une halte. L’idée de faire circuler ces voitures à voie compatible avec celles de CFF entre les gares de Renens et de Lausanne a été très tôt abandonnée. Il demeure que cette compatibilité avec les CFF laisse toujours envisager quelques pistes…

Retenu pour des raisons d’économie à l’époque, le principe de la voie unique avec croisement aux stations complique une amélioration des cadences.

Il serait faux bien sûr de dire que rien n’a été entrepris pour améliorer la situation de cette ligne très vite saturée. Face à l’augmentation continue du nombre de voyageurs – il a passé la barre de 15 millions en 2024, soit plus du double qu’en 1991 – toute une série de mesures ont été mises en œuvre. Sur la ligne elle‑même, dont, en 2000, la rectification du rayon de certaines courbes afin d’augmenter la vitesse de rames. Par le nombre des automotrices aussi, qui est progressivement passé de douze à l’origine, construites par le consortium de feu les Ateliers de constructeurs mécaniques de Eve et ABB, à vingt‑deux aujourd’hui. Les stations ont été aménagées pour accueillir des compositions de deux automotrices accouplées. Les hautes écoles ont elles aussi contribué à lisser quelque peu l’affluence en décalant les horaires de début de cours.

En heures de pointe, le m1 circule toutes les 5 minutes, avec une capacité quadruplée depuis sa mise en service. Or tout cela ne suffit plus, le vieillissement du matériel roulant est devenu une épée de Damoclès sur le maintien de cette exploitation de plus en plus sollicitée et promise à un avenir de plus en plus demandeur.

Ce qui est sûr, c’est qu’une simple augmentation du nombre de rames pour composer des trains plus longs nécessiterait pour le moins un allongement des quais. Mais comme il s’agit ici de définir une « évolution à long terme », on est en droit d’espérer bien davantage, quand bien même un doublement de la voie sur l’ensemble du tracé ou son enfouissement aux endroits où il fracture par trop le territoire semblent peu réalistes pour des raisons financières.

QUEL(S) PLAN(S) B ?
Au-delà de savoir si le m1 tel qu’il est tiendra le coup encore dix ans se pose la question des conséquences d’une mise hors service partielle ou totale, plus ou moins durable, en cas d’interventions importantes sur la ligne et les stations. Les systèmes de transports publics entre Lausanne et l’ouest lausannois sont plutôt nombreux et variés, chacun toutefois avec leur spécificité. Tous les trains CFF entre Lausanne et Genève font désormais halte à Renens, et les RER desservent la gare de Prilly-Malley créée en 2012. Les bus BHNS circulant en voie réservée devraient très prochainement être opérationnels entre le centre-ville de Lausanne vers Prilly, Renens et Crissier. Enfin, le tram t1 entre Lausanne-Flon et Renens-Gare, qui devrait tenter nombre d’usagers du m1 et lui permettre de tenir le coup, sinon s’y substituer en cas de grande nécessité. La mise en service du t1 est annoncée pour l’an prochain. Elle risque hélas d’être retardée en raison des problèmes du constructeur des rames, la firme suisse Stalder, dont l’usine de production à Valence Espagne a été fortement affectée par les intempéries.

Au-delà du m1, la desserte des sites de l’Unil et de l’Epfl est actuellement directement appuyée par une ligne de bus depuis la gare de Lausanne, et une autre depuis la gare de Renens. Reste la question d’un accès pratique au Campus Santé à Chavannes. Ce vaste complexe qui formera des milliers d’étudiants doit entrer en fonction à la rentrée 2026, or il est géographiquement décalé, voire coupé, de toutes les options mentionnées ci-dessus. Et de miser sur le ligne de bus 25 qui traverse l’agglomération de Pully à Chavannes, à condition qu’elle passe par la gare CFF de Lausanne, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Quoi qu’il en soit, il apparaît illusoire de voir le m1 se recentrer avant une dizaine d’années au moins sur sa justification première : l’accessibilité des écoles en transport public, tant la densification urbaine a changé la donne dans la région depuis 1991.