« Quand le bâtiment va, tout va. » Ce vieil adage rappelle combien prospérité de la construction, dynamisme de l’économie et santé de la collectivité sont liés. Cela quand bien même il est difficile de dire lequel ou laquelle résulte de l’autre. Quoi qu’il en soit, force est de regretter que la capitale vaudoise est empêtrée dans les complications administratives, techniques, judiciaires et politiques dès qu’il s’agit de voir et de faire grand ou innovant. La comparaison avec les communes de l’ouest lausannois est cruelle, même si celles-ci n’ont pas à composer avec des contraintes territoriales comparables. Dans notre précédente édition le syndic Grégoire Junod déplorait que les choses n’avancent pas plus vite. Doux euphémisme.
Les projets d’envergure, soutenus par la Municipalité, ne manquent pas. Certains sont devenus emblématiques de la difficulté de passer de la parole aux actes. Prenons la métamorphose du quartier Rasude. Emplacement stratégique, idéalement situé à côté de la gare, porteur d’un important potentiel de développement notamment pour palier un tant soit peu le maigre ratio emplois/habitants qui pénalise la capitale vaudoise. Bientôt dix ans après l’optimisme d’une première présentation et quelques retouches, aucun des trois immeubles envisagés, de respectivement 8, 12 et 15 étages ne semble près de sortir de terre.
Complications et bâtons dans les roues ne datent pas d’hier. Difficile de faire passer une idée sans heurts dès lors qu’elle implique la démolition de bâtiments voisins existants. On y arrive quand même la plupart du temps, mais cela prend des années, ainsi que l’a montré par exemple la construction en 2014 de l’immeuble administratif à côté de la Tour Edipresse. Il a fallu près de dix ans d’oppositions et de recours pour pouvoir démolir un vieux bâtiment qui trônait là depuis la fin du XIXe siècle, que d’aucuns considéraient comme une pièce intouchable du patrimoine architectural lausannois.
Amers souvenirs
L’affaire fut à peine plus facile s’agissant de la Tour Edipresse elle-même. Inaugurée en 1964, « miniature new-yorkaise » de 33 mètres en 12 étages, comme elle fut appelée à l’époque. Une époque qui vit surgir aussi la Tour Georgette, de dimensions similaires. Puis plus rien, avec même un coup d’arrêt en 1972, lorsque le projet e tour-hôtel de 16 étages à Ouchy, soumis à référendum, fut rejeté par deux tiers des votants. Une histoire qui se répéta de manière fracassante en 2014, avec le refus en votation populaire de la construction de la Tour Taoua sur le site de Beaulieu, jugée démesurée avec 87 mètres en 27 étages de bureaux et logements, issue qui, au passage, coûta 2,25 millions de francs aux contribuables entre organisation du concours d’architecture, travaux préparatoires, indemnités au constructeur, etc.
Difficile de croire que Lausanne fut la première ville en Suisse à s’enorgueillir d’un gratte-ciel à l’américaine, en… 1931. Inspirée des immeubles de Wallstreet de l’époque, la Tour Bel-Air (15 étages depuis la place Bel-Air, 19 depuis la rue de Genève) est née elle aussi dans la douleur. Les oppositions étaient cependant plus « molles », à l’image de celle des protestants qui craignaient qu’elle dépasse en hauteur la cathédrale de Lausanne. Inscrite à l’inventaire des biens culturels d’importance nationale, la Tour Bel-Air témoigne de l’importance de ce genre de réalisation dans l’image d’une ville dont elle symbolise l’importance voire le dynamisme.
Écoquartiers prometteurs
La concrétisation de la première phase de l’écoquartier des Plaines-du-Loup est indiscutablement un point fort à mettre à l’actif de la commune. La seconde phase se présente plutôt bien, de nombreux investisseurs se sont annoncés. La troisième étape est plus incertaine, voire carrément hypothétique, en raison du sort à réserver au vénérable stade de la Pontaise, encombrant selon les uns, pièce architecturale intouchable selon les autres.
La suite de la concrétisation de l’ambitieux programme Métamorphose, notamment la création de l’écoquartier des Prés-de-Vidy et la transformation du stade Pierre-de-Coubertin reste suspendue à plusieurs inconnues et surprises possibles. Des surprises comme celle de l’abandon il y a quelques semaines par la Ville de l’aménagement d’une patinoire dans la halle 7 du Palais de Beaulieu en compensation de celle de la Pontaise qui va disparaître. Des contraintes techniques insoupçonnées engendrant des surcoûts inacceptables sont apparues depuis la soumission du projet au Conseil communal.
Décidément, rien n’est simple à Lausanne. Ainsi en est-il d’un projet de construction de 70 logements en cinq bâtiments sur le domaine des Fiches, un terrain près de Vennes, dans une zone bien desservie en transports publics. Le permis de construire octroyé par la Ville a été annulé par le Tribunal cantonal, la commune a été priée de revoir la manière de compenser l’abattage de plusieurs arbres et de préserver une biotopes comportant notamment des salamandres.
Pour la bonne bouche…
Complétons cette brève revue de projets bloqués ou ralentis par le plus ambitieux de tous : la couverture de l’autoroute A9 aux Boveresses sur un tronçon de 210 mètres. Cette idée de la Ville remonte à 2016. Elle est revenue sur le tapis début 2024 par une pétition de 600 signatures adressée au Conseil communal et une de 1’027 signatures adressée à la Municipalité demandant de prendre les mesures nécessaires afin d’empêcher la réalisation du projet.
Tout ne serait pas mort pour autant. La commune explique que « depuis 2021, la Ville collabore avec l’Office fédéral des routes (OFROU) pour définir les modalités de réalisation de l’infrastructure qui permettra de relier ces deux morceaux de ville : une tranchée couverte de 210 mètres de long entre la passerelle piétonne de la Possession et l’avenue des Boveresses ». Ce sont 350 nouveaux logements et 100 places de travail qui pourraient s’installer ici. Le calendrier publié sur le site de la Ville indique une construction possible entre 2030 et 2034…
TAXES ET ÉMOLUMENTS
Un nouveau règlement est prévu pour 2025 concernant les taxes perçues en matière de permis de construire, d’habiter et d’utiliser, et autres prestations analogues en matière de construction abandonne la facturation en fonction du coût de la construction.
Si tout se déroule comme prévu, il sera à l’avenir perçu par la commune une taxe fixe de quelques centaines de francs, complétée par une facturation en fonction du temps consacré par l’administration, au tarif de 140 francs de l’heure, quelle que soit la fonction et la formation de la ou des personnes traitant le dossier. Cela devrait à la Ville quelque 350’000 francs par an de recettes supplémentaires.
Cette révision résulte d’un rapport de la Cour des Comptes (rapport d’audit No 49 du 31 janvier 2019) qui ne fut pas tendre envers la pratique de l’administration communale de l’époque dans ce domaine et qui demandait notamment un renforcement du contrôle interne.