La mue contrainte du vaste site de Beaulieu n’est pour l’heure guère visible de l’extérieur, mais de l’intérieur, elle commence à bouillonner. Le sentiment dominant face à la destinée de ce site historique qui a frisé le dépôt de bilan est en train de passer de la compassion à l’exaltation. La Fondation La Source a communiqué son intention de quitter sa localisation historique à l’avenue Vinet pour regrouper à Beaulieu l’ensemble de ses activités dans un nouveau bâtiment. Cette détermination constitue un signal fort. Elle est au cœur du projet prometteur de pôle santé-sport-alimentation qu’ambitionne en ce lieu la Ville propriétaire de cette vaste infrastructure à la recherche d’une nouvelle affectation durable.
L’annonce était plutôt discrète, or elle constitue un véritable coup d’éclat dans le renouveau de Beaulieu au-delà des congrès, expositions, foires et salons. Ce renforcement de la collaboration entre Beaulieu SA et la Fondation La Source s’inscrit en lettres majuscules dans le pôle santé-sport-alimentation devant devenir l’image de marque de ce site emblématique.
Au-delà de l’effet d’annonce, les liens entre Beaulieu et La Source sont déjà bien réels et très concrets. Depuis 2018, son Institut et Haute Ecole de Santé est installée dans le bâtiment principal, sur quelque 5’500 m2 en deux niveaux. Et la Fondation vient donc de confirmer son intention de quitter son site historique de Vinet avec l’ensemble de ses activités, pour les déplacer à Beaulieu.
Hospitalisations de soins aigus en médecine et chirurgie, maternité, centres de compétences, services ambulatoires, urgences de La Source du Groupe Vidymed, Ecole de la Santé La Source, institut de recherches : tout va déménager. Pour être installé essentiellement dans un nouveau futur bâtiment sur le Front Jomini de Beaulieu. Si tout se déroule comme prévu, cette construction, à ériger sur un terrain en droit de superficie, pourrait démarrer dans deux à trois ans, pour une mise en service à l’horizon 2030. L’investissement pourrait atteindre 200 millions de francs. Retour aux sources, si l’on peut dire, pour celle qui s’appelle depuis 1921 Clinique de La Source et qui a vu le jour en 1891 sous le nom de Clinique de Beaulieu, pour devenir la plus grande clinique de soins aigus du canton.
A l’étroit sur son site de Vinet en raison de son fort développement, notamment celui de son école de la santé toujours plus prisée, la Fondation La Source devrait ainsi disposer à Beaulieu d’environ 25’000 m2 de plancher, soit 10’000 m2 de plus qu’actuellement. La clinique proprement dite s’étendrait sur 18’000 m2 , soit 4’500 de plus qu’aujourd’hui. Et elle conserverait ses surfaces dans le bâtiment du Palais de Beaulieu, avec leur hôpital simulé pour la formation qui a été aménagé pour son école.
Hub sport, santé et alimentation
La mutation de Beaulieu selon une vocation axée sur l’innovation et l’économie se jouera par le développement d’un pôle sport, santé et alimentation dont La Source représente un atout majeur. Ce hub pourra s’étendre sur les quelque 70’000 m2 de surfaces de plancher des Halles nord et du Front Jomini. On y trouvera aussi des espaces commerciaux, de services de proximité ainsi que des restaurants.
Reste à affiner la stratégie et à préciser les contours de ce projet. Il est porté par une large communauté d’acteurs. La Ville a constitué «conseil consultatif » à cette fin. La Municipalité a indiqué qu’en font partie, «outre des représentants de la Commune et du Canton, des acteurs clés de l’économie privée (Nestlé, CIO, Debiopharm Innovation Fund, la Fondation la Source, Biopôle), des représentants de l’EPFL Innovation Park, de l’Ecole Hôtelière Lausanne ainsi que des spécialistes de l’innovation». Et que «c’est Benoît Dubuis, président de la Fondation Inartis, qui conduira le conseil consultatif dont la composition pourra bien entendu évoluer et s’enrichir au cours du temps ».
L’objectif défini par la Ville est ambitieux et a le mérite d’être clair. Il tend à faire de Beaulieu un site de développement économique générateur de places de travail, Lausanne ayant le plus faible ratio emplois/habitants des grandes villes de Suisse, faiblesse due en partie au fait que les grandes écoles ne sont pas situées sur son territoire. Cette stratégie consiste d’abord à poser un cadre excluant certaines fonctions, telle la construction de logements. Elle dicte ensuite un développement d’un mode d’occupation régulier et non seulement d’évènements ponctuels.
L’épine dans le pied, c’est le devenir physique des bâtiments des Halles nord et du Front Jomini. Aussi vétustes les uns que l’autre, ils devront inévitablement soit être démolis et remplacés, soit être profondément rénovés. Pour l’heure, les Halles nord font le bonheur des sportifs, avec la mise à leur disposition depuis le printemps 2022 des «halles sportives». Sur 12’000 m2 en deux niveaux, les Halles nord proposent la libre pratique de toute une palette d’activités sportives : basket, tennis, urban padel, escalade, pétanque, etc. Des activités sportives qu’il est bien sûr prévu d’intégrer dans le futur hub.
L’idée maîtresse est de désenclaver Beaulieu, d’en faire un site ouvert sur la ville et non seulement lors de manifestations ponctuelles. Avec en ligne de mire, à un horizon certes encore lointain mais d’ores et déjà défini, sa connexion à la future ligne m3 du métro.
OUVERT SUR LA VILLE
Le fabuleux destin de Beaulieu ne se résume pas à celui des Halles nord et au Front Jomini ! Pour rappel, cette vaste infrastructure a commencé à devenir encombrante au tournant du XXe siècle, avec la baisse de popularité des revenus des foires et salons constituant jusqu’alors l’essentiel de son attrait et de ses ressources.
Des injections massives d’argent public ont permis de retarder quelque peu les effets d’une lente et inexorable décrépitude, cela dans un contexte économique général difficile. La disparition du Comptoir Suisse en 2018, un an avant son centième anniversaire, a marqué définitivement la fin d’une époque qui devenait tumultueuse.
Depuis l’automne 2019, le site est entièrement en mains lausannoises, par la constitution non sans douleurs d’une nouvelle société anonyme, notamment par l’abandon du Canton d’une créance ce 15 millions de francs. La Ville est désormais à la fois propriétaire des lieux ainsi que des équipements, et en assume l’exploitation. L’organisation de Beaulieu telle qu’elle a perduré jusqu’au début des années 2000 est maintenant éclatée. Le Théâtre de Beaulieu vole de ses propres ailes, et une partie reconstruite du Palais a été cédée au Tribunal arbitral du sport pour y aménager son quartier général.