Une belle marge de progression

Victime collatérale du chantier de la Gare CFF, Lausanne Tourisme a dû fermer son office qu’elle avait à l’entrée du hall depuis 27 ans. Un nouvel espace a été trouvé l’an passé près de Plateforme10. Deux fois plus grand que l’ancien, ouvert tous les jours de 9 h à 18 h, ce lieu remarquablement agencé n’est qu’à 150 mètres de la gare, mais hélas hors de vue des touristes débarquant du train.

Le rapport d’activité de Lausanne Tourisme pour 2023 relève le redressement de la destination en termes de nuitées et d’occupation hôtelière, mais constate pudiquement qu’au vu de différentes statistiques, elle «dispose d’une belle marge de progression pour les années futures». C’est précisément ce qu’ambitionne le déploiement de la nouvelle stratégie touristique régionale 2024-2027, fruit de la collaboration entre Lausanne Tourisme et la récente Unité de développement et promotion de la Ville de Lausanne (UDPV). Retenue en 2023 par le New York Times comme unique destination suisse à visiter parmi cinquante-deux à travers le monde, élue «meilleure petite ville du monde» par le prestigieux magazine Monocle, Lausanne a plus que jamais une carte à jouer dans le contexte du surtourisme ailleurs dans le monde.

Le décompte des nuitées hôtelières n’est pas le seul indicateur du succès d’une destination touristique. Il ne dit rien des visites d’un jour. C’est toutefois le plus utilisé pour quantifier l’évolution. Avec 1159481 nuitées enregistrées en 2023, la destination Lausanne poursuit son rattrapage par rapport à son record absolu de 2019, effondré l’année suivante pour la raison que l’on sait. Toutefois, si le score de l’agglomération a progressé de 7,8% l’an passé, c’est moins que la hausse de 9,2% enregistrée au niveau suisse.

La destination Lausanne, c’était, jusqu’en 2023, un périmètre de neuf communes (Bussigny, Chavannes, Crissier, Ecublens, Lausanne, Lutry, Pully, Romanel et Saint-Sulpice). C’était, car il est passé à quatorze en 2024, avec l’adhésion de Belmont, Epalinges, le Mont, Prilly et Renens. Cette extension ne changera pas grand chose au décompte des nuitées au niveau de l’agglomération, ces communes n’ayant pas une structure hôtelière importante. A noter toutefois, au niveau de l’agglomération, l’ouverture ce printemps à Chavannes du nouvel hôtel Zleep du groupe Deutsche Hospitality.

Côté cour, côté jardin…
La comparaison au niveau des grandes villes proprement dites, soit sans leurs agglomérations, révèle un tableau mitigé s’agissant de Lausanne. Des quatre plus peuplées du pays dont elle fait partie, Lausanne est celle qui affiche la progression la plus timide en termes de nuitées hôtelières. Avec 930433 unités en 2023, la Capitale Olympique en a certes comptabilisé 8,6% de plus en un an, mais la ville de Berne, par exemple, de taille presque identique, a vu son nombre de nuitées bondir de 27,2%. D’autre part, si la ville de Lausanne reste en retard de 6% par rapport à 2019, celle de Berne a gagné 25,9%.

«Le nombre des nuitées, c’est une chose, mais il convient surtout de comparer le taux d’occupation d’hôtels», commente Steeve Pasche, directeur de Lausanne Tourisme. Et là, la Ville de Lausanne fait mieux que celle de Berne en 2023: +3,8% contre +3,2%, et elle comble plus rapidement son retard par rapport à 2019: déficit restant de -1,8% contre -5,9%. Ce qui pourrait s’apparenter à un paradoxe s’explique par une baisse de lits disponibles à Lausanne. En 35 établissements répertoriés l’an passé, ce nombre est passé de 5223 en 2019 à 5085. D’où proviennent les visiteurs? Les cinq marchés prioritaires pour l’ensemble de la destination Lausanne (dans l’ordre, Suisse, France, USA, Grande-Bretagne et Allemagne) ont représenté 74,7% du total des nuitées l’an passé. Tous ont progressé l’an passé, surtout les USA et la Grande-Bretagne, mais ils restent globalement inférieurs à 2019. «Les hôtes suisses et français compensent cette diminution, observe Lausanne Tourisme. Il faut cependant se montrer prudent avec le marché national puisque l’on constate un léger recul sur les premiers mois de l’année 2024.»

Nuitées «privées»
Il convient par ailleurs de rappeler que ces chiffres indiquent le nombre de nuitées hôtelières. Ils ne reflètent pas entièrement le succès de la destination Lausanne en termes de séjours, car ne comprennent pas les autres formes d’hébergement. Mais cela est en train de changer.

Depuis avril 2023, les hôtes mettant un logement à disposition sur AirBnb ont l’obligation de reverser aux communes une taxe de séjour de 3 francs par nuitée effective. En vertu d’une convention passée avec la société californienne, c’est l’Union des communes vaudoise (UCV) qui centralise ces montants et les répartit entre les communes adhérentes. Elles sont une vingtaine actuellement, dont Lausanne.

Lausanne Tourisme a ainsi pu porter en compte 268395 francs à ce titre pour les neuf mois de 2023, ce qui représente 89465 nuitées. L’année 2024 devrait en rapporter davantage. ne serait-ce que par les communes de Belmont et d’Epalinges nouvellement arrivées dans l’association. Cela dit, tout en sachant que AirBnb n’est pas le seul organisme à organiser la location pour de courts séjours, guère plus de 10% des nuitées «privées» seraient effectivement déclarées selon certaines estimations.

NOUVELLE STRATÉGIE

«Au vu des performances des autres villes suisses, nul doute que Lausanne dispose d’une belle marge de progression pour les années futures», constate Lausanne Tourisme, Et de considérer qu’il conviendrait «de concéder des investissements conséquents sur tous nos marchés prioritaires, de manière à attirer davantage de visiteurs, tout en continuant à développer l’offre pour rester attractif. Ceci s’applique autant au tourisme d’affaires que de loisirs».

De fait, l’enjeu économique, souvent sous-estimé, est de taille. On calcule en effet qu’un visiteur séjournant à Lausanne y dépense entre 300 et 400 francs par jour entre hébergement, restauration, loisirs et commerce local en général.

La nouvelle stratégie touristique régionale 2024-2027 mise en place s’y attaque. Elle résulte de la collaboration entre Lausanne Tourisme, la nouvelle Unité municipale de développement et promotion de la Ville de Lausanne (UDPV) ainsi que les partenaires touristiques.

«Cela passe un certain engagement et une adaptation de l’offre, explique Steeve Pasche. Un petit exemple peut être celui de la nécessité de traduire les cartes dans la restauration, d’employer du personnel qui parle aussi une autre langue que le français, de faire de la programmation qui ne touche pas seulement la Suisse romande et la France.»

La destination Lausanne, qui possède des lieux au fort pouvoir attracteur, comme Plateforme10, le musée du CIO et une structure performante d’accueil de congrès, a tout à y gagner.