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UN NOUVEAU LOGO EST BIEN PLUS QU’UNE NOUVELLE IMAGE

Institutions publiques, entreprises commerciales, clubs sportifs, entités en tout genre : c’est à une véritable déferlante de nouveaux logos qu’on assiste depuis quelques années.


Institutions publiques, entreprises commerciales, clubs sportifs, entités en tout genre : c’est à une véritable déferlante de nouveaux logos qu’on assiste depuis quelques années. Loin d’une quelconque logomania, au-delà des modes et des réactions parfois contrastées qu’elles provoquent, ces représentations graphiques stylisées et revisitées traduisent une revalorisation ou une réorientation considérée comme fondamentale par ceux qui les adoptent. Elles ne montrent en fait que la partie visible d’une marque qui a fait l’objet d’un important travail d’introspection dans un environnement concurrentiel souvent chargé, voire d’un changement profond d’identité ou de mission.

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À tout seigneur tout honneur. La nouvelle identité visuelle de l’EPFL présentée ce printemps, née à l’occasion du 50e anniversaire de la haute école, est probablement la démonstration la plus parlante de l’important travail en amont que nécessite une telle opération. Son nouveau logo est notamment issu d’une réflexion alimentée par deux sondages en ligne auxquels 20 000 personnes ont volontairement pris part afin de définir au mieux les qualités principales et le caractère unique de l’institution.

« Forts de ces nombreux avis et indications, nous avons élaboré plusieurs pistes graphiques, puis sélectionné une orientation principale : un choix typographique à la fois très épuré et affirmé », explique Caroline Mesple-Moser, directrice de l’agence >moser spécialisée dans le branding et la communication à Lausanne. Elle a été choisie parmi les agences qui ont participé au concours international lancé pour mener à bien cette opération. Il en résulte un logo bien plus évocateur que ne le laisse voir au premier regard son apparente simplicité. La font de base est une Helvetica, police de caractères d’origine suisse universellement connue, symbolisant une école graphique qui s’est imposée dans le monde par son exigence et sa rigueur. « La modification de certains éléments de cette font en enrichit le sens, souligne l’agence. La croix suisse est suggérée, le décalage des lignes médianes E et F évoque le mouvement, le parcours et la transmission de connaissances. Les ruptures qui libèrent certains éléments des lettres évoquent l’autonomie liée à la recherche. »

De fait, le nouveau logo de l’EPFL est tout sauf un caprice que l’institution se serait offert en cadeau pour son jubilé. Il découle de la volonté de l’école de s’affirmer sur un territoire de plus en plus globalisé, de s’inscrire de manière plus lisible notamment face à sa sœur l’EPFZ. Non seulement par fierté, mais aussi parce que de cette lisibilité sans faille peuvent dépendre certains contributions financières de la Confédération. Sa nouvelle identité graphique symbolise ainsi l’évolution d’une école tournée vers l’engineering des sciences de la vie, et non plus essentiellement les réseaux informatiques, voire, héritage de l’EPUL, la formation d’ingénieurs en génie civil.

Nicolas Peter, responsable de branding et storytelling à l’agence Moser Design: « Si les objectifs peuvent être différents, la démarche est la même pour une institution ou pour une entreprise commerciale »

VALEUR EMOTIONNELLE

Si le nouveau logo de l’EPFL a été reconnu d’emblée comme une réussite, l’approbation d’une nouvelle identité visuelle peut quelquefois déclencher une vive critique, voire une franche hostilité. Elle est parfois considérée comme des armoiries de famille. Il en a été ainsi en 2018 lorsque le Lausanne-Sport a présenté son nouveau blason reprenant la couleur orange de son propriétaire, le groupe pétrochimique Ineos. Une levée de boucliers et une pétition de supporters refusant que l’on touche à un emblème considéré comme une valeur historique en a eu raison. L’écusson a été revu, ses bordures de couleur orange éliminées. Au chapitre des nouveaux logos qui ont fait grincer des dents figure aussi la nouvelle identité visuelle de la Ville de Lausanne. Vingt ans après l’adoption des sept ronds rouges alignés symbolisant les sept dicastères de la Municipalité, la Commune a décidé un retour aux sources en revenant à l’écusson rouge et blanc couvert d’une couronne et encadré de deux lions. Cette version modernisée d’un logo préexistant a conduit le syndic à devoir en expliquer les tenants et les aboutissants devant le Conseil communal. « Après quasi vingt ans, il est dans les normes de la communication de notre époque de changer d’identité visuelle, a-t-il répondu. L’identité symbolise l’autorité de la collectivité. Elle relie la Ville à son histoire et donne une image de permanence et de continuité des institutions. » Ni le coût de cette opération à 150 000 francs, ni le fait que le mandat ait été attribué à une agence genevoise, ne sont passés inaperçus.

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ENJEU EXISTENTIEL

Le Grand Conseil vaudois a lui aussi adopté un nouveau logo comportant le toit stylisé de son bâtiment. La Commune de Pully a revisité son blason. De tels exemples se multiplient. Qu’est-ce qui peut amener une entité à adopter une nouvelle image ? « Si les objectifs peuvent être différents, la démarche est la même pour une institution ou pour une entreprise commerciale, répond Nicolas Peter, spécialiste reconnu dans l’étude des marques et responsable de branding et storytelling à l’agence Moser Design. Elles ont toutes un enjeu d’existence, le besoin d’établir et d’entretenir une relation avec le public et de susciter une certaine adhésion. Il y a bien sûr de multiples motivations. Certains logos ont dû être redessinés pour retrouver la place qui était la leur parmi leur territoire ou leur marché. La motivation qui a le moins de sens est celle résultant de l’arrivée d’une nouvelle direction qui veut mettre un logo à son goût plutôt qu’à celui de son prédécesseur. »

Nicolas Peter considère qu’en matière commerciale, la première raison et la plus fréquente pour envisager un changement de logo est liée au positionnement de l’entreprise, notamment lorsqu’elle veut aller chercher un marché différent. « Il ne faut pas confondre branding et logo, ce dernier étant une expression visuelle de la marque. Orchestrer un changement d’identité est un travail lourd. » Ainsi en a-t-il été aux États-Unis pour ceux qui se sont occupés de Weight Watchers. Universellement connue pour ses régimes alimentaires d’aide à la perte de poids, la société a décidé de s’investir dans le wellness comprenant toujours la diététique mais aussi l’exercice physique et la relaxation. Elle s’est dotée à cette fin d’un nouveau logo en forme de deux W superposés qu’elle espère imposer avec autant de popularité que l’ancien. Cela n’est pas toujours sans risque : Starbucks par exemple en a fait l’expérience en 2012 lorsqu’elle a simplifié son image en supprimant l’inscription « Starbucks Coffee » pour ne conserver que sa fameuse petite sirène, mise en gros plan. Les amoureux de la marque estimaient qu’elle trahissait ses origines, mais la contestation a fait long feu.

Un logo ne se dessine pas sur un coin de table. Ou presque jamais, si l’on tient pour véridique que le fameux Swoosh, le logo de Nike créé en 1972, a été conçu par un graphiste pour une quarantaine de francs. Le travail passe habituellement par un workshop avec l’entité qui souhaite modifier sa perception. « On ne choisit pas un logo parce qu’il est joli, mais parce qu’il traduit le mieux possible ce que l’on veut communiquer, tout en étant esthétique. » Il est vrai que le client est celui qui connaît le mieux son entreprise, mais pas toujours, observe le professionnel. Il lui arrive de découvrir par cette démarche avec l’agence qu’il mandate certains aspects oubliés ou peu valorisés. Il s’agit de faire en sorte que la perception qu’ont les gens d’une marque se superpose avec ce que celle-ci est réellement. Cela peut prendre plusieurs mois. « Les individus voient les défauts qu’ils ont en eux, or on s’aperçoit que les gens que les entourent ont une vision d’eux plus positive. Avec les marques, c’est souvent l’inverse. »

RETOUR SUR INVESTISSEMENT

Lointain descendant de l’enseigne accrochée à la façade d’un artisan ou d’un commerçant, le logo est donc l’expression de la logique d’action marketing qui cherche à positionner par une personnalité forte une marque chez l’utilisateur ou le consommateur. Nicolas Peter : « On constate qu’avec la généralisation d’internet, le public a pris la parole, qu’il attend des marques qu’elles ne vendent pas uniquement des produits, mais qu’elles participent à une amélioration générale de sa condition de vie. » Loin d’être une notion abstraite, ce retour sur image commence à devenir mesurable, tout comme l’est le retour sur investissement en termes de marketing. Et de prendre pour exemple ce qui se passe dans de grandes entreprises de commerce de détail aux USA où la rentabilité se mesure au chiffre d’affaires par mètre carré. Il est apparu que les marques ayant une démarche dans le sens de la responsabilité sociale ont une rentabilité supérieure. Concrètement, une enseigne qui prend en charge une partie de la formation de ses employés a un turnover trois fois moins élevé qu’une autre qui s’en fiche complètement. Cela s’est traduit par des frais de recrutement et de formation moins élevés, donc une rentabilité meilleure au mètre carré.