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CULTURE: VERS UNE POLITIQUE DE SOUTIEN PLUS EFFICIENTE

La largeur de l’éventail des soutiens ordinaires ou casuels aux arts de la scène, à la musique et aux arts visuels reflète autant le dynamisme culturel de la capitale vaudoise que la générosité de la commune à leur égard.


Le Service de la culture de la Ville de Lausanne a rendu publique ce printemps la liste des bénéficiaires des 324 subventions accordées en 2018, indiquant pour chacune les montants alloués. La largeur de l’éventail des soutiens ordinaires ou casuels aux arts de la scène, à la musique et aux arts visuels reflète autant le dynamisme culturel de la capitale vaudoise que la générosité de la commune à leur égard. Mais dans un contexte d’assainissement budgétaire, des réajustements ont déjà été opérés. Ils devraient pouvoir bientôt s’appuyer sur une nouvelle « étude des publics » censée mieux cibler les domaines méritant de se développer ou de se maintenir grâce au contribuable.

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En 2018, la Ville de Lausanne a octroyé 47 177 014 francs exactement de subventions à la culture. Soit environ 340 francs par habitant. Les institutions phares que sont, par ordre alphabétique, Béjart Ballet Lausanne, Opéra de Lausanne, Orchestre de chambre de Lausanne et Théâtre Vidy totalisent à elles seules 43,6 % de ces dépenses. L’Opéra et le Théâtre Vidy sont en tête avec chacun près de 7 millions de francs de subvention communale reçue, sans compter respectivement 1,8 million et 900 000 francs de loyer en imputation interne. Le reste se répartit en une myriade d’organisations. L’inventaire publié par le Service de la culture fait la distinction entre les subventions dites ordinaires, montants réguliers, votés par le Conseil communal, et les subventions casuelles, octroyées d’après dossier par décision de l’administration. Les montant alloués aux secondes s’étendaient en 2018 de 500 jusqu’à 100 000 francs dans les cas de convention ou de contrat de confiance. Les subventions ordinaires font l’objet d’une évaluation annuelle. Et cette évaluation fait parfois des vagues.

CHAMBARDEMENTS

La décision municipale d’abaisser pour 2019 de 595 000 à 445 000 francs le soutien accordé à l’orchestre Sinfonietta, puis d’envisager en plus une coupure de 100 000 francs pour 2020 est un exemple de la difficulté à faire marche arrière. Cette annonce avait provoqué une pétition de la gauche radicale munie de plus de 30 000 signatures. Raison invoquée par la Ville : il s’agit d’un ensemble de musique classique à vocation de formation, donc de compétence cantonale, et c’est au Canton de l’assumer fermement, lequel lui accorde 115 000 francs par année. Un Canton qui fait d’ailleurs sa part en matière de subventions à la culture, en octroyant quelque 34 millions de francs par an à 187 institutions ou organisations. Les remous n’agitent pas seulement le subventionnement à la musique classique ou contemporaine. Qui paie commande et peut donc s’autoriser à dicter certaines lignes artistiques. S’agissant des arts de la scène, la Ville entend ainsi pacifier une bonne fois la querelle des anciens contre les nouveaux par une redéfinition et une clarification de la mission des principaux théâtres qu’elle soutient.

L’affaire avait défrayé la chronique lorsque des voix ont reproché à Vidy-Théâtre de faire trop dans le contemporain au détriment du classique. Confronté à ce dilemne, le syndic, dont dépend la direction de la Culture, confiait l’an dernier à « 24 Heures » son souhait de rapprocher Théâtre 2.21 et Pulloff, tous deux au Vallon, afin de créer, avec Kléber-Méleau, un axe proposant du théâtre conventionnel et destiné aux compagnies locales. Vidy et Arsenic seraient pour leur part clairement orientés sur le théâtre contemporain. On verra la suite…

RIEN N’EST ACQUIS

La divulgation des bénéficiaires des subventions casuelles relevant directement de l’administration a brisé quant à elle ce qui ressemblait à un tabou. Ces données étaient en effet gardées discrètes, voire secrètes. La Ville se défend de pratiquer ici une politique de l’arrosoir ainsi qu’on pourrait le penser en constatant la grande diversité des domaines soutenus. Elle en veut pour preuve que seuls les deux tiers des quelque 500 demandes individuelles lui parvenant bon an mal an sont exaucés. Elle se montre ici néanmoins plus généreuse – ou moins assaillie – que le Canton, lequel indiquait récemment que son Service des affaires culturelles avait octroyé en 2018 pour à peine plus de la moitié des requêtes qui lui ont été soumises.

Une chose est sûre : hormis quelques institutions phares qui font briller Lausanne sur la scène nationale et internationale, rien n’est définitivement acquis en matière d’aide des pouvoirs publics locaux. L’assainissement des dépenses publiques dans un contexte budgétaire difficile risque de compliquer l’existence d’organisations considérées jusqu’à présent comme intouchables, quasi bénéficiaires d’une rente de situation. Les résultats de la nouvelle « étude des publics » lancée par la Ville permettront de mieux connaître en fonction des attentes la pertinence de certains des soutiens alloués. Tout porte à croire que cela ne fera pas que des heureux. Les attentes ont en effet très probablement évolué en regard de celles ressorties de la dernière étude de ce genre, en 1999.

TOUT POUR LA MUSIQUE

En 2018, tous genres confondus, les activités musicales ont reçu 40,7 % des 47 177 014 francs de subventions communales aux arts et aux lettres – les arts de la scène suivaient de près avec 38,1 %. La Ville a rendue publique une vaste étude indépendante destinée à lui permettre de définir une politique de soutien plus efficiente dans ce domaine.
Cette tâche a été confiée à l’agence Sound Diplomacy, un consultant de réputation mondiale basé à Londres, Berlin et Barcelone. Ont été comptés, dans la capitale vaudoise, en 2017 : 6 salles de concerts, 19 clubs, 6 lieux de diffusion artistique proposant de la musique live occasionnellement, 23 bars, restaurants et cafés proposant de la musique live, 7 salles polyvalentes à usage musical et 18 centres communautaires et socioculturels. Au-delà des louanges pour la qualité et la diversité de la scène musicale lausannoise en comparaison internationale, le mandataire livre au fil de son rapport de 130 pages plusieurs pistes de réflexion quant aux améliorations possibles.

Prenant acte de ces recommandations, la Ville indique souhaiter « prioritairement travailler sur la mise en place d’un conseil consultatif de la musique, sur la clarification de sa politique de subventionnement, sur le déploiement de nouveaux formats de soutien spécifique, en lien notamment avec l’accompagnement des talents avérés, avec l’émergence, avec la diffusion et avec l’industrie créative, sur une simplification des démarches administratives, ainsi que sur le renforcement de la mise à disposition de studios de répétition ».

Les observations du consultant dépassent le simple aspect du financement. Il note par exemple : « Une ville de la taille de Lausanne ne peut se permettre de laisser passer des opportunités d’inclure la musique dans ses nouveaux aménagements urbains. » Il cite le pôle muséal Plateforme 10 dont la Ville de Lausanne est le deuxième bailleur de fonds principal : « La musique n’a pourtant pas été intégrée dans la planification de ce projet immobilier qui devrait coûter près de 200 millions de francs. Une telle intégration dès les premières étapes de planification aurait facilité l’utilisation de cet espace (à l’intérieur ou en plein air) pour des événements musicaux. Elle aurait également permis d’anticiper et de minimiser les potentiels travaux spécifiques aux salles de concerts et les problèmes de pollution sonore. À l’avenir, le Service de la culture devra s’impliquer davantage dans le processus de planification urbaine et maintenir des échanges constants avec le Service de l’urbanisme pour évaluer la place de la musique dans les nouveaux projets de développement urbain. »
Le débat ne fait que commencer.