MALLEY PHARE, EMBLÈME DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

Le premier immeuble-tour en bois de Suisse romande émerge à Malley en surélévation du complexe Malley Lumières. Haut de 60 m en 14 étages, il est destiné à abriter du logement dans des conditions socioculturelles aussi exemplaires qu’originales. Baptisée Malley Phare, cette tour sera de plus tapissée de cellules photovoltaïques productrices d’énergie. Elle représente une superbe concrétisation de l’engagement du secteur de l’économie face aux enjeux du développement durable sur un site labellisé 2000 W.

 

La plaine de Malley, vaste de ses 83 ha, est l’une des plus importantes friches industrielles du pays. A proximité immédiate d’une gare CFF depuis quelques années, elle se caractérise notamment par le plan partiel d’affectation « Viaduc » de 2,6 ha comportant l’imposant complexe Malley Lumières, propriété de la Suva, lequel abrite un centre commercial, un cinéma, un fitness avec piscine.
Plusieurs tours sont au programme à Malley, et aujourd’hui, c’est Malley Phare qui sort de terre… au sens figuré de l’expression. Cette construction haute de 60 mètres est en effet érigée sur le toit de la partie ouest du bâtiment de Malley Lumières et ne nécessite donc pas de travaux de fondation. Pour autant, ce n’est pas ce qui distingue le plus cette extension spectaculaire. Il ne s’agit pas d’une tour comme les autres. Il s’en faut de beaucoup. Elle représente bien plus qu’une surélévation. Elle sera le plus haut immeuble de Suisse romande en structure bois, doté en prime d’une façade active en photovoltaïque en accord avec la volonté de respecter la certification « société 2000 watts » à travers notamment l’exigence de très haute performance énergétique du bâti (Minergie P/A-Eco).

 

Première tour en bois de Suisse romande, Malley Phare concrétise un type d’immeuble en bois de grande taille rendu désormais possible par l’évolution en 2015 des normes de construction. DR

90 % de bois local
Malley Phare concrétise un type d’immeuble en bois de grande taille rendu désormais possible par l’évolution en 2015 des normes de construction. Le développement des connaissances sur la manière dont brûlent les constructions en bois permet en effet désormais de s’affranchir d’une limite de la hauteur jadis posée à 30 m. Matériau durable et renouvelable lorsque son extraction est réalisée avec soin, le bois pour la construction est plus que jamais en parfait accord avec les efforts en matière d’écologie quand il est de provenance locale, ce qu’il est ici à 90 % : hêtre, frêne et épicéa notamment du Nord vaudois et des forêts jurassiennes. Cette réalisation, conçue par un bureau d’architecture lémanique, le bureau CCHE, avec la Suva pour maître d’ouvrage, a obtenu son permis de construire l’an passé. Elle est non seulement la première du genre en Suisse romande. Elle illustre aussi l’engagement et la compétence de l’économie romande dans l’élaboration et la concrétisation de solutions innovantes en matière de construction, notamment à travers l’appel d’offres auprès des entreprises de construction en bois remporté par le groupe JPF-Ducret de Bulle qui s’est imposé face aux concurrents suisses alémaniques. Cette entreprise est spécialisée dans les éléments préfabriqués pour la construction en bois, en réalisant par exemple des poutres longues de 45 m à partir de planches collées.
L’immeuble est posé sur un nouveau socle en béton à l’endroit du toit ouest de Malley Lumières. Haut de 60 m en 14 étages, le bâtiment comporte une structure en bois renforcée par un système de poutres métalliques et de câbles. L’utilisation d’éléments préfabriqués permet de réduire la durée du chantier de construction, étage par étage, à quatre à six semaines en dépit d’un accès qui n’est pas des plus faciles, soit pratiquement trois fois moins de temps que pour une construction traditionnelle en béton. Avec un autre avantage de taille : c’est un chantier dit « sec », sans utilisation d’eau puisque sans béton, donc plus sûr, et non invasif pour le bâtiment Malley Lumières qui pourra continuer de fonctionner quasi normalement pendant la durée de la construction.
Au-delà des nets avantages écologiques évoqués plus haut qu’apporte l’utilisation du bois au lieu du béton, celle-ci permet un gain de poids considérable, ce qui n’est pas anodin lorsqu’on construit sur un bâtiment existant.

75 000 cellules photovoltaïques
Les particularités de la tour ne s’arrêtent pas là. Elle est revêtue de 75 000 cellules photovoltaïques en façade, ce qui en fait un producteur d’énergie. CCHE digital a développé spécialement un algorithme pour déterminer la disposition de ces cellules de manière à obtenir le meilleur équilibre en esthétique et performance énergétique tout en conservant des façades semi-transparentes. Malley Phare n’est pas une tour de bureaux, mais une tour destinée à l’habitation. Elle comportera 96 logements proposés uniquement à la location. L’immeuble est ainsi prévu pour accueillir 200 habitants dans cinq types d’appartement : studios, lofts, 2,5-pièces, 3,5-pièces et 4,5-pièces, cela avec 10 % de logements en LUP (Logement d’utilité publique, bénéficiant d’une aide de l’Etat). En plus de logements, le bâtiment comportera un étage offrant six espaces dédiés au coworking et au home office, répondant ainsi à un besoin actuel et croissant. On y trouvera aussi huit pièces « joker », louables à la demande, par exemple pour agrandir un logement ou pour recevoir quelqu’un exceptionnellement. A noter qu’il n’est pas prévu d’augmenter la capacité du parking de Malley Lumières, qui est de 300 places en souterrain. La commune de Prilly mise plutôt sur une politique de stationnement volontariste visant à limiter les places pour véhicules motorisés et à favoriser les pratiques de mobilité multimodale. Enfin, au sommet, le Rooftop Bar de 160 m2 en double hauteur offrira le coup d’oeil qu’on imagine.

 

Malley Phare n’est pas un immeuble de bureaux, mais un bâtiment de logements offrant de nombreuses particularités tels qu’espaces dédiés au coworking ainsi qu’un Rooftop Bar en double hauteur. DR

 

LES GRATTE-CIELS EN BOIS SE LÂCHENT

Les maisons d’habitation en bois remontent aux premiers âges de l’humanité. Elles n’étaient généralement pas bien hautes, construites avec des rondins. En Suisse, elles dépassaient rarement la hauteur d’un chalet. Mais les temps ont changé. Depuis les années huitante, l’engouement pour le bois s’est manifesté dans la réalisation d’un grand nombre de maisons individuelles modernes, rendue possible grâce à l’évolution des processus industriels essentiellement dans les éléments préfabriqués.

Aujourd’hui, ce matériau naturel au bilan carbone favorable bénéficie de l’amélioration de la connaissance de son comportement, notamment en cas d’incendie, et se prend à jouer dans la cour des gratte-ciels, face au béton et à l’acier… toutes proportions gardées. Et comme il n’y a désormais plus de limite de hauteur maximale en Suisse, on en voit surgir de plus en plus.

La tour Malley Phare est la première du genre en Suisse romande, mais pas la seule dans notre pays, où elles se comptent encore sur les doigts d’une seule main. Le premier immeuble du genre a été construit en 2018 à Rotkreuz dans le canton de Zoug. Haut de 36 m, il abrite des bureaux sur ses 10 étages. Le plus haut existant, structure hybride haute de 60 m en 15 étages, du nom de Arbo, trône sur le campus de la HES de Lucerne. Et c’est en ville de Zoug, près de la gare, que devrait bientôt être construit le plus haut du pays, dénommé Pi, culminant à 80 m, destiné autant à abriter des logements que des bureaux.

Des projets bien plus fous émergent dans le vaste monde, enlever par exemple The Dutch Mountains à Eindhoven (NL), hybride bois et béton constitué de deux tours de 100 et 130 m reliées par une construction tampon en forme de voile. Ou encore le projet W350 à Tokyo, qui devrait pulvériser les records avec ses 70 étages…

 

Le projet dénommé « Les cabanes du Loup » du groupement MIKADO, original à plus d’un titre. DR

DE BOIS, DE CHANVRE ET DE PISÉ

Le projet dénommé « Les cabanes du Loup » du groupement MIKADO (Joud Vergély Beaudoin Architectes, Ratio Bois Sàrl et 2M ingénierie civile SA à Lausanne) a remporté la mise au concours de la future maison de quartier des Plaines-du-Loup lancée par la Ville de Lausanne. Le concept, innovant et durable, s’intègre au coeur du quartier et du futur parc du Loup.

Ses auteurs expliquent que « le principe constructif est celui d’une ossature porteuse en bois recevant des remplissages massifs de deux ordres, selon la fonction des murs : en chanvre banché pour l’enveloppe extérieure, pour ses performances d’isolation thermique, et en terre crue ou pisé pour les murs intérieurs, en raison de ses atouts climatiques de régulation hygrométrique et thermique (grande inertie, capacité de déphasage). Le pisé et le chanvre contribuent ainsi à une construction bas carbone exploitant des mécanismes passifs d’optimisation énergétique, encore renforcés par un concept de ventilation hybride. » Et d’ajouter que ces matériaux « se prêtent particulièrement bien à une expérience participative, dans la mesure où leur fonction de remplissage n’engage aucune sécurité structurelle, et le savoir-faire quant à leur mise en oeuvre est facilement transmissible ».